"Les images qui resteront de cette année seront les premières à être en couleurs.
Bardot sur la couverture des magazines porte des robes en vichy rose.
On tourne encore en noir et blanc, Chabrol, Godard, la nouvelle vague, mais sur les écrans le technicolor d'Amérique déferle.
Que reste-t-il d'ailleurs de cette époque ? De Gaulle qui s'essouffle et une génération qui cherche l'oublie ou a oublié...
Celle qui monte danse sur d'étranges rythmes. Salut les copains, Castro, Hô chi Minh, Kennedy abattu, Mao modèle révolutionnaire, Krouchtchev... La sarabande s'est internationalisée.
On commence à oser le dire : si ça va mal en France, c'est la faute à Mai 68. La jeunesse a pris de mauvaises habitudes sur les barricades. Une manif doit systématiquement se prolonger par quelques vitrines massacrées, quelques voitures transformées en feux de joie. "Eléments incontrôlés" disent les jeunes. "Les casseurs seront les payeurs", répond le pouvoir. Les vrais casseurs ne se laissant pas prendre, ce sont les lycéens à la peau tendre qui paient.
1970 est décrétée "année de protection de la nature". Si tu jettes une canette parmi les pâquerettes, tu commets un crime contre la nature, notre mère. Pas si tu te mets à dix pour tuer un lapin avec des fusils à lunette. Le chasseur aime la nature. Apparition d'un nouveau mot "écologie".
La Troisième mondiale n'en finit plus d'être imminente. On s'y fait. Les curés veulent se marier. La Vierge Marie ne leur suffit plus.
Il y aurait des morts au Biafra. C'est où, ça ? Oh par là... C'est des noirs. Ah bon. Incendie dans un bal campagnard : 125 morts.
Il suffit d'une chanson, Laisse-moi t'aimer, pour que Mike Brant se retrouve adulé de toutes les femmes. Sardou fait chanter et danser toute la France avec Les bals populaires. C'est la chanson kitch de l'année.
Le jeune Sardou remettra le couvert avec J'habite en France. Joe Dassin chante l'amérique. Johnny se laisse pousser les cheveux, porte des rouflaquettes et chante Jesus Christ est un hippie.
Dans toutes les discottèques, on se croirait in the summertime. Le tube de l'été est pour Marc Hamilton. Sa ballade Comme j'ai toujours envie d'aimer fait craquer toute la France.
Les Beatles se séparent. Let it be...
Beaucoup d'accidents de voitures sur les routes du monde libre. La R6 est sur tous les écrans publicitaires. C'est le temps des décapotables tropéziennes et c'est parti pour la télé. La France pleure en regardant Janique Aimée. L'empire colonial s'est effondré...
Les théories s'amoncellent, prospection, analyse, décorticage... Sartres s'introspecte dans Les mots. Mais ma mami m'a dit que malgré Elvis Presley, Europe 1 et l'éclatement de l'électroménager, on s'ennuie un peu... Pourtant on est déjà sur la lune.
Il semble établi dorénavant qu'il faut être jeune pour être heureux.