"Un journal, là, sous vos yeux.
Pour Loyd George, il n'est pas trop tard. Il monte au créneau pour défendre le roi contre les attaques incessantes de Baldwin : "Une nation a le droit de choisir sa reine, mais le roi aussi a le droit de choisir sa femme. Si Baldwin est contre ces droits, je suis contre Baldwin."
Mais c'est trop tard.
Edward veut alors dire à son peuple ce qu’il a sur le coeur. Alors, envers et contre tous, il parlera à la radio. La suite se passe de commentaire :
"J'ai estimé impossible de remplir les devoirs qui m'incombent en tant que roi, sans l'aide et le secours de la femme que j'aime. Je veux que vous sachiez que la décision que j’ai prise n’appartient qu’à moi et à moi seul. Une décision facilitée par la certitude que mon frère sera en mesure de prendre ma place, sans que la vie et le progrès de l’Empire soient interrompus ou négligés. Il jouit aussi de cette bénédiction sans pareille, que tant d’autres parmi vous ont reçue également et qui ne m’a pas été accordée, celle de vivre dans un foyer heureux avec sa femme et ses enfants."
Un correspondant de la radio américaine, Lowell Thomas, va écrire :
"Prenez tous les grands discours de l’histoire, du théâtre, des orateurs les plus ardents, des grands hommes d’Etat, vous n’en trouverez pas d’aussi poignant que celui de l'homme qui a parlé aujourd’hui à l’Empire pour la dernière fois."
La radio française, elle aussi, retransmet le discours.
Wallis se souviendra : "La voix de David s’éleva, calme, émouvante. J’étais assise sur le sofa. Le visage dans les mains, m’efforçant de retenir mes larmes."
Les larmes de Wallis, personne ne les a vu couler. Celles de millions de citoyens britanniques ont eu de multiples témoins.
Il commence alors à l'appeler. Tout le temps. Mais à peine a-t-il raccroché qu'il éprouve de nouveau un manque insoutenable.
Les amoureux sont ainsi : quand ils se quittent, ils sont sûrs - toujours - qu'ils ont omis de se confier l'essentiel.
David et Wallis n'oublient jamais que des oreilles ennemies peuvent aussi être à l'écoute.
Alors, ils s'écrivent.
Des lettres d'amour, par centaine.
En attendant que le divorce soit prononcé définitivement. Ce sera chose faite le 27 avril.
Maintenant, curieusement, elle a peur.
Et si, après ces six longues semaines, elle le décevait ?
Et lui, "comment avait-il résisté au profond bouleversement de son existence" ? Quand Edward arrive, pour la rejoindre, il grimpe les escaliers quatre à quatre. Elle se jette dans ses bras. Elle le voit amaigri, les traits tirés mais "aussi gai qu'auparavant". Doucement, il lui dit :
- "Chérie, que cette attente a été longue ! Je puis à peine croire que nous sommes enfin réunis !
Ils savent qu'ils ne se quitteront plus. Jamais.
Aucun membre de la famille royale n'assistera au mariage. Même pas le frère préféré ?
Pas même.
Même pas la soeur tendrement aimé ? Pas même. Même pas sa mère ?
Surtout pas sa mère.
Dans la bouche d'Edward coule un goût de cendre.
Non seulement on lui refuse la chaleur de l'affection familiale, mais on le traite en banni de sa propre famille.
- Si quiconque aperçoit un juste motif qui puisse empêcher l'union légitime de cet homme et de cette femme, qu'il parle maintenant ou se taise à jamais !
Personne ne s'avance pour proclamer ce "juste motif". Le révérend prend la main droite de celui qui a été roi d'Angleterre et la dépose dans la main droite de celle qui devient sa femme. Après quoi, il prononce la formule sacramentelle que les deux époux répètent après lui.
- Moi, Edward, dit le pasteur.
- Moi, Edward.
- Moi, Wallis, dit le pasteur.
- Moi, Wallis.
Quand le révérend leur demande s'ils veulent être mari et femme, ils répondent oui, elle sans hésiter, lui avec une sorte de précipitation. Il est trois heures de l'après-midi.
Et ils ne se sont jamais quittés.
En novembre 1971, on a annoncé à Edward qu'il était atteint d'un cancer à la gorge. On l'a traité au cobalt. Bientôt il s'est su condamné. Il mourut le 27 mai 1972. Wallis lui survécut quinze années. Les dernières lui furent un long martyre.
Toute vie semblait s'être éloignée d'un corps entièrement paralysé. Elle ne pouvait plus s'exprimer ni s'alimenter naturellement.
Ma Mamie s'est rendue dans cette maison. Elle s'est arrêtée sur le seuil, retenu par l'impression insurmontable qu'il serait mal de chercher à contempler de plus près cette femme dont l'histoire avait ému le monde.
Dehors, il faisait beau. Ma Mamie se souvient avoir demandé au maître d'hôtel si la duchesse avait quelque apprence de lucidité. Le visage de George se fit très grave :
- Ici, nous avons fini par nous habituer à ce mot "légume" que les médecins employaient volontiers, qu'elle ne percevait plus rien du monde extérieur. Pourtant, la semaine dernière, j'ai changé d'idée.
Surprise ma Mamie l'a regardé.
- Oui, Madame. Je m'étais dit, je ne sais pas pourquoi, qu'il y avait bien longtemps que son lit était à la même place. J'ai demandé aux infirmières de m'aider à en changer l'orientation. Le lendemain matin, quand je suis entré dans sa chambre, je me suis approché du lit. Elle pleurait.
Je lui ai demandé : "Votre Altesse préfère-t-telle que je remette le lit là où il se trouvait ?" Je n'ai, bien entendu, obtenu aucune réponse. Le lit a regagné sa place. Elle a cessé de pleurer.
Wallis Warfield, duchesse de Windsor, est morte le 24 avril 1986. Elle avait quatre-vingt dix ans.
Rideau.
L'histoire vraie de l'attachement passionné qui unit Edward VIII et Wallis Simpson :