"Tenez bon, on est avec vous !
La grève de 1948, c'était pour les salaires surtout. Ça a claqué comme ça ! Un jour la marmite a été bien chaude et les mineurs ont déclaré la grève. Au départ, on a pensé que ce serait une petite grève, mais personne n'a rien cédé. Alors ça a duré, mais pour rien. On a rien eu.
Si un se prononçait contre la grève, on allait bombarder sa maison, on la barbouillait au goudron, on écrivait Vendu sur ses murs. Papi avait dit à Mamie : "Ca va durer longtemps, faut faire attention." Tout coûtait cher. Pendant deux mois, on a mangé des patates à l'eau et du hareng saur.
Pendant les grèves, des mineurs envoyaient leurs enfants ailleurs, chez des gens qui les prenaient en charge par solidarité, les mineurs, eux, faisaient des quêtes pour avoir un peu d'argent. Ils avaient même plus de charbon et allaient en chercher sur les rails ! Au fil des semaines, comme rien ne bougeait, les patrons ont envoyé l'armée, les CRS, les paras, les bérets rouges !
Ils ont viré le piquet de grève, dans la journée, tout le monde était balayé ! En revanche, à Calonne, ils se sont bien battus, ils envoyaient des berlines sur les camions CRS, mais ils ont dû céder aussi.
A cours de l'été 1953, un important mouvement de grève amorcé aux PTT atteint l'ensemble des services publics, les entreprises nationalisées et quelques entreprises métallurgiques. Le mécontentement porte sur les effectifs et les salaires, amplifié par les nouveaux projets gouvernementaux d'économie budgétaire pour financer la guerre d'Indochine.
Cette manifestation qui rassemble quatre millions de grévistes se prolonge pendant trois semaines au mois d'août. En pleine période de congé payé les transports sont paralysés, les vacanciers s'impatientent sur les quais de gare et le pays tourne au ralenti. Mais bon, comme disait Mamie : "Rien de tel que des vacances ratées pour vous réconcilier avec une vie de labeur." Après trois semaines de grève, les décrets gouvernementaux sont enterrés.
En avril 63, re-belote, les mineurs se mettront en grève durant 35 jours, manifestant leur inquiétude face à la récession. Cette grève sera le chant du cygne du mineur. Le délégué mineur qui traversait les corron avait sonné chez Mamie et avait dit : "Allez camarades, il faut assurer le piquet de grève !" Tout le monde faisait grève. Ceux qui essayaient de travailler avaient leurs carreaux cassés.
Ma Mamie m'a dit que c'était une grève totalement unitaire. "On avait un soutien total de la population et des pays étrangers. Aux vacances de Pâques, des milliers d'enfants de mineurs partaient en vacances dans des familles d'accueil. On recevait des colis de toute l'Europe, les commerçants nous faisaient crédit, l'évêque avait même prêché pour nous !"
Quand Papi est monté à Nanterre, les gens lui ont offert des gâteaux, on lui a payé des coups. Il y avait même une usine de cigarettes Gauloises, les employés lui avait donné plein de cartouches, qu'ils avaient pris à l'usine pour lui et les autres grévistes. Il y avait marqué "AM" dessus, "allocation matériel" ! Les gens disaient tous : "Tenez bon, on est avec vous."
"Le gouvernement disait qu'ils mentaient sur leurs salaires, alors on a fait une "opération fiche de paye" pour rétablir la vérité. Dans les rues, on chantait L'Internationale et aussi "Ohé, Ohé, Pompidou, Pompidou navigue sur nos sous... Pas d'sous, pas de carbon ! Pas d'sous, pas d'carbon !" On a eu des augmentations de salaires étalées et la quatrième semaine de congés payés.
Du coup, toute les entreprises derrière ont embrayé, comme Renault et on les a soutenues. Par étapes successives, on a obtenu la réduction du temps de travail jusqu'à 40 heures. Et des mesures ont été prises pour retarder la récession, éviter des fermetures sauvages et limiter l'effet social. C'était le dernier grand combat corporatiste, on était tous ensembles, ingénieurs, agents de maîtrise, population. La France s'était arrêtée. Il y a eu une grande solidarité."
Rideau.