"Le plus doux souvenir de ma vie.
Si vous êtes surpris qu'on se soit arrêté à Graulhet à l'occasion de la Saint-Valentin, c'est que vous ne connaissez pas ma Mamie. C'est là, à deux pas de la grande place, qu'elle a vécu le plus doux souvenir de sa vie. On l'écoute tendrement :
"Graulhet, cela représente pour moi des souvenirs lumineux. Tout s'y mélait, l'amour de ma maman aussi tendre qu'aux premiers jours, l'amour d'un jeune homme qui faisait battre mon coeur d'une fièvre inconnue et l'amour de soi. Les bals de Graulhet ont tenus une grande importance dans ma jeunesse.
Souvenirs de moments passés entre amis, de rires partagés, de premiers émois amoureux... Et puis ces moments étaient rares. Lorsque nous avions envie de nous divertir, nos parents nous ramenaient à la raison en nous disant : "au lieu de penser à t’amuser, il y a du travail".
Au bal, nous étions accompagnées de nos mamans qui veillaient attentivement à ce que nous nous tenions bien. Je me souviens qu'une maman avait pris soin de se munir d’une chaufferette dans laquelle elle glissait ses pieds pour ne pas avoir froid tout en discutant avec les autres mères.
On attendait toutes avec impatience le "plus beau de tous les tangos du monde", musique où nous nous serrions dans les bras de charmants cavaliers. Les slows n’existaient pas encore, mais notre maladresse pouvait justifier que nous nous rapprochions, en tout bien tout honneur, de notre cavalier. Pour me souvenir, il me suffit de fermer les yeux...
Près de la grève, souvenez-vous
Des voix de rêve chantaient pour nous
Minute brève d'un cher passé
Pas encore effacé
Le plus beau de tous les Tangos du monde c'est celui que j'ai dansé dans vos bras
Son souvenir me poursuit jour et nuit et partout je ne pense qu'à lui
Car il m'a fait connaître l'amour
Pour toujours
A Graulhet, chaque quartier avait sa fête et son bal ; la musique était parfois de piètre qualité mais cela nous importait peu. Les "zin boum boum" étaient prétexte aux rencontres, au rapprochement des garçons et des filles
Les bals de Saint-Projet sont ceux qui nous ont le plus marqués, les manèges étaient installés au bord de la route et nous dansions au milieu du chemin. Je me souviens d'une nuit étoilée où - en rentrant du bal - on avait chanté à tue-tête et le coeur léger :
Lundi matin, l'empereur, sa femme et le p'tit prince
Sont venus chez moi, pour me serrer la pince
Comm' je n'étais pas là, le p'tit princ' a dit
Puisque c'est comme ça nous reviendrons mardi
Mardi matin...
Le mariage et la venue des enfants sonnaient la fin de ce divertissement. Nous ne retournerions au bal que pour chaperonner nos propres filles et les surveiller avec nostalgie qu’elles ne s’approchent pas trop de leur cavalier..."
Rideau.