"Alexandre 1er meurt à Marseille.
A Aix-en-Provence, Kerim et Krajli se sont levés tôt. Ils ont pris un petit déjeuner : café noir et cognac. Après quoi ils ont commandé des pastis. Kerim, qui ne fait jamais les choses à moitié, en a bu cinq.
Un peu avant 13 heures, les deux hommes sont allés chercher dans leur chambre les armes et les grenades.
A la patronne, Krajli a annoncé :
- Nous viendrons ce soir pour dîner. Nous aurons très faim.
Depuis quelque temps, Krajli se sent mal à l'aise. Dans quelle galère s'est-il embarqué ? Pourquoi le sort est-il tombé sur lui ? Dans le car qui les emporte à Marseille, son angoisse grandit encore. Il se cache derrière un journal. Vlada - comme toujours - est impassible.
Nous sommes le 9 octobre 1934, le Dubrovnik est alors en vue de Marseille. Alexandre achève de revêtir sa tenue d'amiral. Son valet de chambre insiste pour qu'il porte ce qu'il appelle sa "cotte de mailles", un gilet d'acier très fin propre à résister à toutes les balles. Alexandre refuse :
- Non. Nous sommes en France. Nous n'avons que des amis. Et puis, ça me gêne.
Lentement, le bateau glisse vers le port. Une vedette vient se ranger près de l'échelle de coupée, celle du consul général de Yougoslavie à Marseille. En montant à bord, il semble hors de lui. On le conduit au roi. Il s'exclame :
- Sire, ne descendez pas à terre ! Je sais de source certaine qu'un attentat est préparé contre vous !
Alexandre secoue la tête :
- La population m'attend. Un Karageorgevitch ne doit pas reculer.
Vlada et Krajli marchent alors sur la Canebière. Sur les trottoirs, une foule heureuse grossit de minute en minute. Elle est plus dense encore place de la Bourse. D'un geste, Vlada désigne à Krajli la place qu'il devra occuper, à l'angle de la rue Saint-Férréol :
- Si j'échoue, fais ton devoir. Si je suis en difficulté, viens vers moi et lance les grenades pour me dégager. Adieu !
Sur ce, Vlada va se placer, lui, à l'angle de la Canebière et de la place de la Bourse. Dans ses poches, il tâte les deux révolvers qui s'y trouvent.
Alexandre monte alors dans la voiture. Le cortège s'avance avec une telle lenteur que Georges Méjat, sa vieille caméra portable à la main, peut courir et le dépasser. Il aperçoit des collègues et un grand nombre de photographes. Tous s'étonnent de n'apercevoir que si peu d'agents de police.
Un photographe, Geoffroy, remarque que le roi "scrute les fenêtres". Il a peur.
Et il a raison d'avoir peur.
Il est 16 h 15. Le cortège arrive devant la Bourse. C'est alors que brusquement un individu, tête nue et chauve, sortit de la foule, se précipita vers la voiture royale, sauta sur le marchepied en criant : "Vive le Roi !" Armé d'un pistolet automatique, il fit feu à plusieurs reprises en se penchant dans la direction du roi.
C'est Vlada qui a bondi. Vlada qui s'étant hissé sur le marchepied, tire à bout portant sur Alexandre.
Les policiers accourent de toutes parts. Ils se mettent à tirer, dans tous les sens, de la façon la plus désordonnée qui soit. A quoi bon puisque l'assassin gît à terre ! Il est criblé de balles. Ce tir sans objet va atteindre dans la foule plusieurs personnes.
Il y a des blessés, des morts. Ma Mamie qui était au milieu de la foule n'y a vu que du feu.
La voiture a continué à rouler. Elle va passer devant la rue Saint-Ferréol où Krajli attend, ses grenades à la main. Il ne les lance pas. A quoi bon ? Il a entendu les balles, il voit Alexandre évanouit dans la voiture. Alors, à travers la foule, il s'enfuit.
Un jeune journaliste, René Barotte, représentant un quotidien fort peu lu, Paris-Soir, a obtenu du locataire d'un appartement situé sur la Canebière l'autorisation de s'installer à son balcon pour mieux voir passer le cortège. C
e locataire dispose du téléphone, chose alors peu fréquente. Or c'est exactement sous le balcon où se trouve Barotte que Vlada vient de tirer sur Alexandre.
La réaction du journaliste est immédiate : il court au téléphone, demande Paris, l'obtient en un temps record et, sur-le-champ - en direct - dicte le reportage de l'évènement.
Une heure plus tard, sous l'impulsion d'un génial patron de presse - Jean Prouvost -, le quotidien sortira un numéro spécial tiré à un million d'exemplaires, contenant le récit exclusif de l'assassinat d'Alexandre.
Paris-Soir est lancé et va connaître l'un des plus gros tirages de la presse mondiale. Le malheur des uns...
C'est à partir de ce jour-là que ma Mamie s'est mise à le lire. C'est devenu avec le temps son journal préféré.
Avec L'Equipe...
Collection "Mamie explore le temps"
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