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16 avril 2011 6 16 /04 /avril /2011 17:23

café"L'entrée des artistes.

 

 Mon grand-père aime m'emmener au cirque. le dressage équestre, l'acrobatie, les clowns, la jonglerie et les facéties des clowns est un spectacle qui me réjouit. A Paris, c'est les frères Fratellini qui sont les plus applaudis. La modernité, c'est le son qui envahit le quotidien et les rues de Paris où je me promène.

 On chante partout : chansons des rues, mais aussi succès radiophoniques, opérettes, airs de caserne. Les refrains sont repris en coeur. En 1931, la France entière chante comme le bel Henri Garat, la star du moment :


"Avoir un bon copain

Voilà c'qui y a d'meilleur au monde

Oui, car, un bon copain

C'est plus fidèle qu'une blonde

Unis mais dans la main

A chaque seconde

On rit de ses chagrins

Quand on possède un bon copain.

 

 J'hantais alors les salles obscures pour dévorer les longs métrages muets : Charlot, Buster Keaton, Laurel et Hardy, les Max Brothers étaient alors les acteurs préférés des enfants. Les projections avaient parfois lieu dans des salles de spectacles somptueuses qui accueillaient également des divertissements de foire, des matchs de boxe ou des représentations théâtrales. 

  Au Batignolles-Cinéma, au Sélect, au Gaieté-Clichy ou au prestigieux Gaumont avec ses six milles places, je découvre les grands succès qui sont alors signés F. Lang, D.W. Griffith, A. Gance ou C. De Mille. Une atmosphère particulière entoure ces lieux de rêves où l'on oublie tout. Dès l'ouverture du rideau, sur fond de début de générique, la magie des images joue à plein quel que soit son rang.

 Emerveillé par le Napoléon d'Abel Gance et Le chanteur de Jazz. Ce fut un bouleversement. Autre émotion en 31 avec la découverte de la superbe et blonde Lilian Harvey dans Le Congrés s'amuse, comédie musicale qui raconte les amours interdites du prince et de la bergère, à Vienne, en 1815.

 Si le cinéma devient alors ma passion, je raffole également du théâtre. Tous les jeudis, j'assiste aux matinées classiques du Théâtre-Français. Je déserte aussi le domicile familial pour me rendre aux spectacles à la mode de la "Ville Lumière". C'est là que j'ai pris goût à la scène. 

 Je me souviens qu'à la fin d'une représentation à la Comédie-Française, j'ai déclaré : "Je serai comédien !"

 Mon père, Jules Blier, avait alors haussé les épaules avant de me priver de dessert.

 Il changera d'avis après avoir pris l'avis de l'un de ses amis qui avait conclu après l'écoute de quelques vers au talent du petit garçon que j'étais et qui rêvait de monter sur scène.

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16 avril 2011 6 16 /04 /avril /2011 15:20

journal"Ma vie à dormir debout...

 

 Le village était traversé par un ruisseau dans lequel j'allais pêcher de tout petits poissons argentés.

 Mon père nous emmenait aussi en promenade sur le Cher, qui poussait tout près de la fermette où nous vivions.

 Il adorait pêcher à la ligne au lancer et nous rapportait des brochets ainsi que des tanches. Mon rôle consistait à cultiver les asticots qui servaient d'appâts. Il m'arrivait aussi de jouer à la guerre avec ma soeur et les voisins. Un homme nous avit fabriqué des fusils en bois. Ma soeur tenait le rôle de l'infirmière, et moi celui du FFI.

  Mon autonomie a augmenté le jour où ma grand-mère m'a offert un vélomoteur. J'avais vu un Vélosolex d'occasion en vente dans un charbonnier. Et ma grand-mère qui m'aimait beaucoup, qui m'appelait "mon tout-petit", m'a donné l'argent qu'elle gagnait en travaillant la nuit dans l'imprimerie de l'Humanité.

 Naturellement, cela a contrarié mon père . "C'est le bouquet a-t-il dit à ma mère. Voilà qu'il a un vélomoteur..."

 Ma grand-mère habitait rue du Croissant, elle ne manquait jamais de me montrer le café du Croissant, où Jaurès a été assassiné, et l'impact sur l'un des murs de la balle qui l'avait tué.

 Avec elle, j'ai vu sur scène les adieux de Mistinguett, j'ai également vu Maurice Chevalier chanter Ma Pomme en se déshabillant sur scène. Il retirait son smoking et se mettait en caleçon avant de s'habiller en clochard, puis, de clochard, il se déshabillait de nouveau sur la scène jusqu'au caleçon pour remettre son smocking. Et pendant ce temps-là, il chantait la fameuse chanson : "Ma pomme, c'est moi, j'suis plus heureux qu'un roi... Je n'me fais jamais d'mousse, en douce, je m'pousse...

 1954. A l'époque j'aimais beaucoup une chanson de Trenet qui s'appelait En Avril à Paris. "Quand Paris s'éveille au mois d'avril, quand le soleil revient d'exil, quand l'air plus doux berce une jeune romance, quand le printemps vraiment commence... Alors voici qu'aux portes de Paris, du Nord jusqu'au Midi, la France chante et rit, en avril à Paris..." Je suis donc allé chercher la partition pour la chanter.

 A l'époque, les succès du jour se vendaient sous forme de partitions qu'on appelait des "petits formats". Sur la couverture figurait la photo de la vedette et à l'intérieur, on trouvait toutes les indications pour jouer le morceau. Je me souviens par exemple qu'on voyait André Claveau en couv de La Petite Diligence, Yves Montand pour Les feuilles mortes, Jacqueline François posait pour Mademoiselle de Paris, Edith Piaf pour Les trois cloches...

 Puis j'ai vu Mouloudji qui avait fait un triomphe avec Un jour, tu verras, Le petit Coquelicot, La complainte des infidèles, Le voleur "Je suis voleur, j'aime voler, moi je suis comme les aviateurs, les magasins, c'est beau, ça brille, l'intérieur est un océan où tout scintille. Me voivi au rayon des livres, prenons garde au détective, c'est difficile de prendre l'air, l'air de ne pas en avoir l'air..."

 Ensuite, je me suis retrouvé avec une 5 CV Citroën qu'à l'époque, on appelait une "petite citron". Il s'agissait d'une petite voiture noire avec des ailes qui ressortaient.

 C'était ma première voiture, et elle tombait en panne partout.

Je me souviens qu'à ce moment-là, Colette Renard venait d'exploser avec la comédie musicale Irma la douce. C'est aussi à ce moment-là qu'est apparu le Teppaz : ce lecteur de disque qui comportait un gros trou où on était obligé de mettre un cylindre pour tenir le disque.

 Fin 59, Johnny a sorti son premier disque, Itsy Bitsy petit Bikini, et a enregistré Twist Again presque en même temps. Petit Bikini n'a pas plus à Lucien Morisse qui ne voulait pas le passer à la radio parce qu'il ne comprenait pas pourquoi un jeune qui débutait avait pris la chanson de Dalida.

 Cela a fait une espèce de pataquès.

 Mais avec Twist Again, on a vu que Jonhny commençait à allumer le feu partout. Puis il y a eu la première soirée "yéyé" au Palis des Sports. En première partie, Richard Anthony chantait : "Deux petites pépées dans une petite MG", puis Johnny est arrivé et c'est  devenu complètement fou. A l'époque il rentrait en scène sur la chanson Kily Watch. Tous les jeunes se sont mis à taper dans leurs mains, à chanter avec lui.

 Deux films cartonnaient en ce temps-là, Les enfants du Paradis de Marcel Carné et Napoleon d'Abel Gance.

 De son côté, Claude François était très malheureux parce que Bécaud lui avait piqué Janet. Puis comme on le sait, il a enregistré Belle, belle, belle, qui a fait de lui en quelques semaines, un recordman de vente de disques.

 C'est cette année-là que j'ai rencontré Brel. Il me demandait des anecdotes sur Trenet.

 Je me souviens qu'un jour un journaliste lui a demandé ce qu'il pensait de Brassens, Ferré et Mouloudji. "Mon préféré de tous, c'est évidemment Brassens", a répondu Brel. Puis, il a précisé : "Mais celui qui a ouvert la porte, c'est quand même le père Trenet. Je pense que sans lui, nous serions tous aujourd'hui des employés des PTT !".

 Puis j'ai rencontré Marlène. Elle avait toujours la nostalgie de Gabin et ne pensait qu'à le revoir. Elle me parlait de lui chaque jour ; me racontait qu'elle lui avait écrit d'innombrables fois, sans jamais recevoir de réponse. "Sa femme doit intercepter mes lettres", m'avait-elle expliqué. Elle répétait : "Picasso a eu sa période bleue. Moi, avec Gabin, j'ai eu ma période rose !"

- Vous avez dû beaucoup l'aimer, faisais-je observer.

- Je l'ai plus qu'aimé", répondait-elle, non sans tristesse.

 Un jour, elle m'a dit : "Je vais écrire une lettre que vous lui porterez. Je lui dirai que je vais passer à l'Olympia  et que toutes les chansons que je chanterai sera pour lui." j'ai alors déjeuné avec Gabin et j'ai compris pourquoi elle l'avait tellement aimé, pourquoi elle l'aimait encore. Il était à la fois fascinant d'intelligence, de générosité, et d'un naturel impressionnant. J'ai glissé ma requête et je lui ai donné la lettre où sur l'enveloppe, Marlène avait inscrit : "Pour Monsieur Jean Gabin". Gabin m'a dit : "Fais voir, môme." Il m'a pris la lettre et a dit : "Ah, c'est encore la Schleue qui me poursuit. Putain de merde ! Elle va me faire chier longtemps celle-là !" Sans la décacheter, il a froissé l'enveloppe dans ses mains. Il y avait sur la table devant lui un cendrier Cinzano. Gabin a mis la boulette de papier dedans. Il a sorti son briquet Zippo et a mis le feu à la lettre sans même l'avoir ouverte. Je le regardais faire, pétrifié. J'entendais la voix de Marlène qui me répétait chaque jour : "A l'Olympia, je chanterai uniquement pour lui", et je voyais sa lettre se consumer dans le cendrier blanc. 

 Quand je suis revenu chez elle, elle a commandé une coupe de champagne avant que je parle et à prononcé un seul mot, dans lequel toute son attente était résumée : "Alors ?" J'ai répondu que j'avais bien donné la lettre à Gabin. "Et comment a-t-il pris ça ?" Je ne pouvais pas lui dire ce qu'il avait fait. J'ai donc menti. "Il l'a mise dans la poche de son veston. Et il n'a rien dit à personne." "Ah bon, et vous ne pouvez pas savoir par votre ami ? a-t-elle demandé encore. - Non, Roger ne m'a rien dit." Pour rien au monde, je n'aurais voulu lui faire de la peine en lui disant comment Gabin avait réagi...

 

La rencontre de ma vie.

Je chantais Les boutons dorés et pendant que je chantais, j'ai remarqué une jeune fille aux cheveux châtains, avec une robe rouge cerise, assise dans un canapé. Elle me regardait et j'ai eu une impression très forte. C'était comme si je me trouvais face à quelqu'un venu d'un autre monde. Elle avait un grâce, une lumière qui émanait d'elle, qui la rendaient très singulière. De ce fait, elle m'est apparue comme une petite princesse. Tout en chantant, je me disais : "Qu'est-ce qu'elle doit être jolie sur une scène !"

 La chanson terminée, je suis allé directement vers elle. Je lui ai demandé son nom : "Je m'appelle Chantal de Guerre."

 J'étais dans un trouble extrême, et pourtant j'avais une intuition  très forte, que je lui ai confiée : "J'ai l'impression que nous allons nous marier un jour, lui ai-je dit, que nous aurons deux enfants. Vous serez célèbre vers trente ans et vous chanterez à l'Opéra de Paris."

 Elle m'a répondu très sérieusement : "Qu'on se marie, ça peut arriver ; deux enfants, ça peut arriver aussi. Pour ce qui est de la célébrité à trente ans, je veux bien le croire. Mais en ce qui concerne le fait de chanter à l'Opéra de Pari, ça me semble très improbable. Je ne suis pas la Callas. Alors j'ai l'impression que vous vous moquez de moi." J'étais déjà sous le charme.

 Comme m'avait dit Marlene, un jour : "Il faut se méfier de ces petites. Elles savent se faufiler partout, même à travers les larmes." Chantal aussi, je crois qu'elle a magnifiquement su se faufiler à travers les larmes de sa vie.

 C'est à ce moment-là que Sylvie Vartan a gagné ses galons de grande vedette. Je chante pour Swany a été un tube énorme, en Italie, au Japon, partout.

 Je me souviens qu'ensuite quand j'ai chanté à l'Olympia avec Souchon qui débutait en première partie, Coquatrix s'est énervé parce qu'Alain voulait chanter en blue-jean... "Ici, M. Sinatra, Nat King Cole, Armstrong chantent en smoking ! Marlene Dietrich met ce qu'elle a de mieux ! Alors, je ne vois pas pourquoi M. Souchon se permettrait de venir habillé avec une culotte de charpentier. Il ne lui manque plus que le mètre qui dépasse de la poche, une perceuse dans une main et un marteau-piqueur dans l'autre ! Il ne respecte pas le public !" De son côté, Chantal commençait a cartonné avec "Voulez-vous danser grand-mère".

 J'avais eu l'idée de faire reprendre à Chantal cette ritournelle qui datait de la Libération et que ma soeur chantait toujours quand je vivais chez mes parents. Elle m'avait d'autant plus marqué que ma grand-mère pleurait chaque fois qu'elle l'entendait ; une très jolie mélodie en plus.

 Je me souviens aussi des adieux de Brel.

 Son tour de chant terminé, nous avons bu un verre au bar de l'hôtel, Jacques venait de prendre conscience qu'il ne reverrait plus ses musiciens dont Marcel Azzola, son accordéoniste de génie, ni ses compagnons de scène, car ce soir-là, il savait qu'il était arrivé dans le dernier port.

 Cette soirée fut un triste moment de nostalgie.

 

 En 1981, j'avais écrit la musique des Trois mousquetaires, celle des Misérables et de Bouba le petit ourson. Un producteur m'a appelé en me disant qu'il venait d'acheter un dessin animé pour lequel il lui fallait une nouvelle bande-son. "La chanson japonaise ne plaira pas au public français, il faut que tu en écrives une", il lui fallait la bande pour le lundi suivant, date à laquelle il devait livrer le dessin animé à Antenne 2. J'ai regardé le pilote, dans lequel intervenait un capitaine de vaisseau intersidéral, à qui il arrivait des aventures dans l'espace puis avec Roger Dumas, j'ai commencé à jouer sur le piano en composant la mélodie.

 Au fur et à mesure, Roger écrivait les paroles sur la musique, tout a été fait dans l'urgence : voilà comment est née la chanson. Le dessin animé a ensuite énormément plu. La chanson a joué un rôle capital. Quand d'autres télévisions l'ont acheté, il a fallu traduire la chanson dans toutes les langues ; elle a même été traduite en Japonais et, au Japon, elle a relancé le dessin animé. Aujourd'hui tout le monde la reprend par coeur, "Capitaine Flam, tu n'es pas de notre galaxie... Mais du fond de la nuit, Capitaine Flam... D'aussi loin que l'infini, tu descends jusqu'ici pour sauver tous les hommes". Une sorte d'hymne national.

 Ou plutôt l'hymne de leur enfance...

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15 avril 2011 5 15 /04 /avril /2011 12:06

Depeche"La radio.

 

 Mamie a huit ans quand elle tombe nez à nez sur un reportage de Georges Briquet, émerveillée, elle "voit" Louison Bobet s’échapper en solitaire dans l’Izoard. Et ces sons restent gravés comme s’il s’agissait d’images.


 Plus tard, le Radiola familial en Bakélite lui a imprimé des airs indéfectibles des années 40 qui venaient de se terminer : "C’est une fleur de Paris", "Dans les plaines du Far West", "On boit l’café au lait, au lit", des refrains qui commencent à danser dans sa mémoire.

 

 Dans la foulée, elle a entendu que "de gaulle s’en allait", puis que "Gandhi avait été assassiné". Comment oublier les photographies de ses obsèques dans France Illustration avec son corps recouvert de fleurs qu’on installait sur le bûcher.

  

 La nuit de septembre 1948 est son souvenir radiophonique le plus intense de ces années-là : son père avait mis le réveil - une fois n'est pas coutume - à 4 heures du matin pour écouter la radio. Il avait fait du café après l’avoir moulu et sorti la poudre de son tiroir pour la mettre dans la cafetière. Pour lui et pour les voisins aussi. Comment les enfants auraient-ils pu dormir ? On leur avait dit qu’on allait entendre une voix venue d’Amérique et que cette voix allait raconter un grand match de boxe avec notre héros, Marcel Cerdan, qui voulait devenir champion du monde. Dans la France entière, des millions de personnes s’étaient réveillées à la même heure pour écouter la retransmission. Tout le monde avait pris soin de régler le curseur  du poste sur la bonne fréquence. On entendait alors la voix de Pierre Crenesse et un brouhaha insensé. Du délire ! Et lorsque le père et les voisins bondirent de joie, Mamie comprit que ça y était, Cerdan était champion du monde !

 

 Un an plus tard, les voix du poste avaient des intonations funèbres : Marcel cerdan était tué dans le crash, aux Açores, du Super Constellation d’Air France qui le conduisait aux Etats-Unis où l’attendait Edith Piaf, dont le déchirant et prémonitoire "Hymne à l’amour" allait concurrencer sur les ondes le "Petit Papa Noêl" de Tino Rossi.

 

 En 1950, on compte en France 6 millions de récepteurs. Ni plus, ni moins. Du petit en Bakélite au monumental en ébénisterie, il y en a pour tous les goûts. Le choix n’est pas facile tant les marques sont nombreuses et foisonnent dans les pages de publicité des magazines. "Le monde entier chez vous avec Régal", "Skymaster, champion des postes portatifs avec ses huit lampes miniatures américaines"; "Une invention française qui fait le tour du monde : Mega" ; "Pour moi toute seule, j’utilise mon Philips à ma guise. Un petit poste élégant et coquet assorti à la couleur de ma chambre" ; "Mes parents ont leur poste. Moi, j’ai ma Radiolinette Radiola" ; "Entendre tous les reportages avec Schneider" ; "L’Amérique surclassée : Brand Spread, le poste des cinq continents. 300 stations reçues avec la précision du radar" ; "Le poste de l’an 2000 : le Glob tester universel. Les cinq continents dans une valise". Et d'autres, tant d'autres.

 

 Si la télé fait son apparition Mamie n'en a cure, elle continue de vivre un certain temps au rythme de la radio, de ses rendez-vous. A peine réveillée, Mamie saisit des bribes de phrases, des mots, des noms : Corée, 38e parallèle, Truman, bombe H, Laurent Dauthuille, cortisone, ennemi public n°1, Ionesco, marquis de Cuevas... Après, heureusement, il y a des chansons. La "Cabane au Canada" passe en boucle. Si on ne la connaît pas par coeur, c’est qu’on est sourd !

 

 Des années plus tard quand les années 50 prendront fin avec la catastrophe du barrage de Malpasset à Fréjus, elle se souviendra des émotions, des rires, des enthousiasmes, de cette ambiance de veillée autour du poste. Un souvenir ineffable. 

 

 Comment oublier Carmen et La Hurlette, les deux clochards de "Sur le banc" qui évoquent l’actualité et les potins qui finissent leur conversation par la question : "Qu’est-ce qu’on mange ?"

 

 Le dimanche chez sa grand-mère, à l'heure du déjeuner, avant d'attaquer le lapin aux olives ou les gnocchis à la sauce aux noix -, la famille écoute le "Grenier de Montmartre" et de ses chenapans, des chansonniers Edmond Meunier, André Rochel, Maurice Horgues, Robert Rocca, Françoise Dorin... Les commentaires fusent "Qu’est-ce qui leur mettent, aux ministres, aux députés et au percepteur !" Et à la fin, rituellement, et en chanson s'il vous plaît, le sempiternel... "Pour informer le monde avec la voix des ondes, il y a, il y a, il y a les chansonniers. Au revoiiir, au revoiiir, notre émission est terminée et nous fermons notre Grenier..."

 

 Le mercredi soir, place au "Club des chansonniers" sponsorisé par une marque d’apéritif ("Avec Martini, Martini, Martini, le monde entier chante et sourit..."). Et que dire de la famille Duraton, l'émission préférée de ma Mamie...

 

De 19 h 45 à 19 h 55, les discussions cessent autour de la table familiale, couteaux et fourchettes sont condamnés au silence pour cette grande messe radiophonique suivie par la France entière. On entendrait une mouche voler. Ded Rysel est le père Duraton, Jean-Jacques Vital, le fils, Jacqueline Cartier, sa femme. Leur fille Lisette est fiancée à Paul, le voisin de palier, joué par Jean Carmet. Et tout ce petit monde fait ce que ce que fait une majorité de Français "moyens" : ils parlent de tout et de rien, des choses de la vie quotidienne et des évènements. Râlant comme il se doit contre les députés et le fisc. C’est comme si chaque Français s’écoutait lui-même ou écoutait sa femme, ses enfants.


Mamie se souvient aussi de "La coupe interscolaire", grand jeu de questions arbitré par "Monsieur Champagne" et de ces rengaines selon les réponses : "Merci, merci, Monsieur Champagne, vous nous avez bien renseignés" ou "Zéro, zéro, Monsieur Champagne, vous nous avez mal renseignés."


Et Jean Nohain, dit "Jaboune" sa "Reine d’un jour", où les annonceurs dotent richement une auditrice choisie pour ses malheurs. Sa gentillesse fait passer les gaffes de ce tête en l'air : "La plus jeune de mes filles est enceinte, sans savoir de qui ?" - Mais alors vous allez être grand-mère. Vous êtes contente ?"


 Et Radio-Circus patronné par L’Oréal avec ses trois émissions vedettes : le "Crochet radiophonique" et le gong qui a l’insistance du public, interrompt et condamne le chanteur amateur qui lui déplaît ; "Emportez-le avec vous" (un candidat, les yeux bandés, doit trouver le nom d’un objet placé devant lui) ; "Quitte ou double" enfin présenté par Zappy Max. Et la porte qui couine dans la musique (géniale trouvaille d’André Poo) du générique des "Maîtres du mystère", dont les histoires au suspense remarquablement entretenu font frissonner chaque mardi soir, de préférence dans le lit, lumière éteinte et à l’abri des couvertures. Et Mireille et son petit conservatoire de la chanson qui repère avec un flair inouï les talents prometteurs. Mamie se souvient aussi de "La minute du bon sens" de Saint-Granier juste avant le journal parlé du Poste parisien. Et de Libres propos de Georges Delamare dans les "actualités de midi", chronique quotidienne des préoccupations - grandes et petites - des Français : les bourreaux d’enfants, l’alcoolisme, le franc, la paperasse administrative, la voiture...


Et Geneviève Tabouis et ses "Dernières nouvelles du matin" annoncées sur le ton de ne-le-dites-à-personne. Il y a à boire et à manger dans ses "révélations", mais on pardonne beaucoup à une femme qui a été surnommée "Tante Mensonge" par Hitler... Et "Ecoute, écoute" de Roger Nicolas, du "Canard était toujours vivant" de Robert Lamoureux, de "Qui c’est ? C’est l’plombier" de Fernand Raynaud, des bégaiements de Darry Cowl, du car pour Caen de Devos.

 

Les années radio...

 

Rideau.

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10 avril 2011 7 10 /04 /avril /2011 17:32

Depeche"Souvenir, que me veux-tu ?» demandait Paul Verlaine.

 

 Il y a parfois, sans raison, ou plutôt sans que la nécessité s’en fasse sentir, des griffures du passé qui viennent faire saigner les vieilles blessures.

 

J’ose écrire : aimer comme on aime une femme, sans autre discernement que le désir, non pas seulement d’elle, mais de bien plus encore. Le désir de cette grâce qui nous rend, ensemble, plus légers et pus essentiels, l’un et l’autre et l’un par l’autre. La phrase du fennec dans Le petit Prince : "Je ne serai plus un renard parmi tous les autres renards, je serai pour toi unique au monde et tu seras pour moi unique au monde."

 

Décrivons le décor, Il lui dit "Je vous aime", comme si les mots fleurissaient sur ses lèvres pour la première fois. Le train peut très bien transporter un souvenir invisible et c’est le sifflet de sa locomotive qui provoque l’irruption du ressouviens-t’en

 

"La Provence, écrivait Daudet, où les paysans sont des princes..."

 

L’absence éternelle. Je me souviens de ce jour où le caveau enfin achevé, je transportais le cercueil de mon père de son carré provisoire à sa demeure définitive. Le mot de ma mère, lorsqu’elle allait mourir et le rejoindre là, disait son mélange de tendresse et de volonté :

- Cette nuit, il aura moins froid.

Je me souviens - sans doute en a-t-il encore la mémoire - de Jean-Loup, tout jeune garçon que j’amenais de temps à autre au bois.

Je suis épuisé comme un best-seller.

Ses yeux brillaient de bonheur. Dehors, je me souviens qu’il pleuvait doucement sur Paris.

On se souvient de ce mois de mai où on avait envie de repeindre le monde. Un souvenir encore, cueilli au vol. Les simulacres commençaient à se faner. 

 

"Les souvenirs sont cors de chasse

Dont meurt le bruit parmi le vent..."

 

Apollinaire, mieux que personne, avait le sens aigu du "ressouviens-’en".

 

A l’amitié Francis Carco exprime de façon lumineuse l'attirance des souvenirs toujours inexplicables :

 

Tout le jour, je vous ai cherchés

Comme au temps de notre jeunesse

De-ci, de-là... Le temps renaisse

Et nos vingt ans trop pourchassés...

avant de conclure :

Je vous ai cherchés en moi-même

Comme un disparu ceux qu’il aime

Les appelle et se tient caché.

 

Je me sentais comme dans un poème de Carco :

Tout au plaisir alors de vivre

Sous le signe de l’amitié.

 

L’amitié célébrée par Montaigne quand il évoque La Boétie : "Si l’on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : "Parce que c’était lui, parce que c’était moi."

Saint-Exupéry, lui, parle du "fil de la vierge de l’amitié", comparable à celui que les araignées de jardin filent, la nuit, d’une branche à l’autre.

La nuit devant lui s’ouvrait comme un fruit. Il avait la tête pleine de souvenirs pas encore vécus et de fumée bleue de cigarettes.

 

 Nous avions eu la même sorte de rapports à la fois affectifs, ombrageux et créatifs qu’il y a eu entre Churchill et de Gaulle lorsque le premier, durant la guerre, donnait asile au second. Je songe en disant cela, au mot du Général prenant congé du premier pour aller installer à Alger délivré le gouvernement de la France libre :

- Cela tient, Monsieur le premier ministre, à un trait de mon caractère qui me pousse à me mettre en colère lorsque j’ai raison et à un trait du vôtre qui vous y pousse lorsque vous avez tort...

 

Souvenir que me veux-tu ? Demandait Paul Verlaine...

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 23:00

Depeche"Bonne nuit les petits !"


Quand, le 12 décembre 1962, un beau nounours descendu de son nuage parvient à mettre au lit les petits Nicolas et Pimprenelle et même à les border, le marchand de sable, descendu du même nuage, jette des paillettes brillantes sur la maison et dans la campagne. C'est le signal qui invite tous les enfants de France à s'endormir.


Pour Jacques Samyn, le réalisateur, c'est un double triomphe : le sien, auprès des mamans qui n'ont plus de souci pour coucher leurs gamins, et celui de "Nounours", idole des petits. Le comédien Jean Martinelli lui prête sa voix, une voix avec un timbre grave qui ale don de d'inspirer la sagesse et d'inviter au plus profond sommeil, juste après le journal de vingt heures.


Au début, le marchand de sable n'est prévu que pour une durée de vie éphémère : jusqu'aux fêtes de fin d'année, avec Noël en point d'orgue. Le succès est tel que les lettres affluent rue Cognacq-Jay. En fait, la séquence qui envoie les enfants se coucher en douceur tient l'écran de 1962 à 1973 !


Que dire aussi du Manège enchanté qui tourne six cents épisodes de cinq minutes à partir de 1966. Zébulon a le crâne rouge tomate et le ciré jaune d'un marin breton. Margotte et Coralie alternent le ruban rouge ou bleu dans la tignasse tandis que le long poil or brun de Pollux frôle le sol comme un balai de ferme. Derrière ses gentils scénarios, où Pollux est toujours trahi par sa gourmandise, Serge Danot crée un village de lutins qui prennent place dans son "Manège enchanté" : les Pistofs.


"Tournicoti, tournicoton"... Comme disait Mamie.


En septembre 74, L'île aux enfants est lancé. Le cadre : un jardin public avec kiosque animé, voitures à pédales et toboggan. Au milieu du tableau règne Casimir, un dinosaure jovial couleur capucine, d'une insatiable gourmandise, mais aussi Termitte la grenouille, bart, Ernest ses cousins américains de "Sésame" et toute la clique. Bientôt, leur hymne sera sur toutes les lèvres : "Voici venu le temps des rires et des champs, dans l'île aux enfants c'est tous les jours le printemps..."


On est loin des fresques purement enchanteresses venues des Etats-Unis. Monde idyllique où le noble Rintintin, chien héroïque de la cavalerie yankee, Flipper, dauphin virtuose, ou Lassie. On est aussi encore loin des numéros de cape et d'épée d'un Zorro, des élégances sexy du Capitaine troy en mer des caraïbes et même, côté français, de Thierry la fronde, "défenseur des faibles et des opprimés"...


Au coeur des années 80, c'est les studios de dessins animés japonais qui frappent un grand coup. Goldorak, créature vengeresse d'une autre galaxie, puis Albator, corsaire de l'espace et, sur une ritournelle de jardins d'enfants, un certain Capitaine Flam... 


Ma Mamie n'en a cure, si elle devait en retenir qu'un programme pour les minots, ce serait Belle et Sébastien et pas un autre. Tous les jeudis soir, elle était devant la téloche. Mais revenons un tant soit peu sur la jeunesse de Mamie justement, flash back :

 

Au début des années 30, à Toulouse, on baigne dans les succès du moment ; pas ceux de la radio puisqu’elle ne fait pas encore partie des meubles - on en est encore aux postes à galène qui crachouillent ! Il y a les chanteurs des rues, avec leut porte-voix, qui font la manche et vendent aux badauds "les petits formats" avec les paroles et la musique.

Ca prenait du temps pour atteindre tous les recoins de l’hexagone. C’est pour ça que les succès étaient increvables ! Le couple de tourtereaux papa-maman roucoule sur fond musical : elle a dans les vingt-deux, lui dans les vingt-huit. Maman préfère les chansons sentimentales, comme Ferme tes jolies yeux ou les ineffables Roses blanches. Pour papa, c’est la fantaisie, si possible un peu coquine sur les bords, style Valentine avec ses petits tétons qu’on "tâ-ha-tait-hait à-ha tâ-ha-tons, tonton tontaine..."

 

Mais la franche rigolade c’était le comique troupier comme Bach :


"Avec l’ami Bidasse

On se quitte jamais

Attendu qu’on est

Tous les deux natifs d’Arras-se

Chef-lieu du Pas-de-Calais...

 

Avec ses copains, mon père aimait bien reprendre en choeur La Madelon, cette Madelon dont on frôle le jupon sous la tonnelle, rêve inaccessible des "poilus" dans la boue et le sang des tranchées. Mais quand l’ambiance avait tendance à tourner vaillants anciens combattants, lui se mettait à fredonner La chanson de Craonne :

 

Adieu la vie adieu l’amour

Adieu toutes les femmes

C’est bien fini c’est pour toujours

De cette guerre infâme

C’est à Craonne sur le plateau

Qu’on doit laisser sa peau

 

Le jeune Maurice Chevalier chante alors Dans la vie faut pas s’en faire, il sait de quoi il parle, tous les français de sa génération sont allés au casse-pipe.

 

Il y avait donc les artistes en tournée, Maurice donc, mais aussi Georgius, Berthe Sylva, Damia, Fréhel, Dranem, Milton. Et il y a avait surtout le bal ! Ca guinchait dans tous les coins le samedi soir et le dimanche. Avec une prédilection pour se qui tourne à l’envers, à l’endroit : la java, la valse. La valse brune, Sous les ponts de Paris, On a pas tous les jours vingt ans, et aussi la danse nouvelle qui faisait fureur, les charleston ! "Yes sir, that’s my baby now".

Bien entendu, mes parents ne chantent pas Yes sir, that’s my baby ; on a mis là-dessus des paroles bien-de-chez-nous complètement tartes, 

 

A Paris, la Revue Nègre vient de faire un tabac avec sa jeune vedette Josephine Baker. Devant ses déhanchements sans complexes et sensuels, il y en a qui s’étranglent d’indignation ; le journal La Rumeur écrit : "par l’indécence de votre physique, vous déshonorez le music-hall français, Madame !"

 

Les mouvements antiféministes s’en donnent à coeur joie. Pendant 4 ans de guerre, ce sont elles qui ont fait marché le pays et maintenant pas mal d’entre elles n’ont pas pour rêve exclusif de faire la lessive et torcher leur progéniture. Alors elles en ont ras la frange, elle manifestent en ces années 25-30 : Ell’se font tout couper les ch’veux.

Chose impensable il y a peu, on commence à voir quelques bourgeoises au volant ; voilà une cible toute trouvée pour envoyer quelques flèches empoisonnées :

 

Dans les bagnol’s aujourd’hui

C’est la poule qui conduit

je lui fait pouet-pouet

Ell’me fait pouet-pouet..."

 

Bref, nous sommes le 14 juillet 1928, Papa a emmené maman au bal ; ils ont charlestonné, ils ont valsé jusqu’à l’aube et j’ai tout lieu de penser que la fête a continué après. Parce qu’à partir de ce moment-là, a vu sa taille s’arrondir jusqu’au printemps suivant.

 

Ah 1929 ! Une année excellente pour le vin ! Mais une année terrible où Wall Street s’effondre. C’est aussi l’année de Marius de Pagnol, des Enfants terribles de Cocteau, des chemises Lacostes, de Tintin, Popeye et Courrier Sud de Saint-Ex. C’est l’année du Pays de sourire de Franz Lehar :

 

Je t’ai donné mon coeur

Tu tiens en toi tout mon bonheur

 

A ce moment-là, Serge Reggiani n’a que sept ans ; tout comme Ivo Livi qui deviendra Yves Montand ; Varenagh Aznavourian quatre ans ; Juliette Gréco et Gilbert Bécaud ont deux ans, Lucien Gainsbourg - futur Serge - un an, Jacqueline Enté - future Line Renaud - dix mois. Mesdames Aufray, Brel et Nougaro sont enceintes.

Et me voici moi, tout fripé, tout souffreteux. "Mon Dieu, qu’elle est vilaine," s’écrie maman, "Alors je l’aimerai encore plus !" Cinq ans qu’elle en parlait de ce bébé à papa qui, jusque-là, faisait le sourd...

 

 Mamie est en route pour la vie...

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 16:51

café"La France est occupée. 

 

 Les Français ont mis plus d’un an à émerger du trou. Mais on s’amusait quand même. Même dans les files d’attente, même dans les abris ! Chaque fois qu’on pouvait, on allait au cinoche au théâtre. Et on chantait ! Piaf, Chevalier, Trenet, Tino, Damia, Georgius, Jacques Pills, Alibert, et les nouveaux comme André Claveau et Georges Guétary nous aidaient à garder le moral. les jeunes, on était amoureux du "Fou chantant", de Django Reinhardt, et tous amoureux de Danielle Darrieux. On entendait à la radio et à tous les coins de rue à l’accordéon, Mon amant de Saint-Jean. Les quelques refrains cocardiers de 39 virèrent à la nostalgie : Douce France, Ca sent si bon la France, Ah que la France est belle !

 

Quant à notre Maurice national, il nous redonnait la pêche avec des chansons entraînantes comme Notre espoir. "Zim boum boum ta gada". Maurice donne l’exemple, il estime de son devoir de redonner du coeur à nos ventres vides. La Chanson du maçon a aussi été un grand succès.

 

Ah les Teutons (un des nombreux surnoms de l’occupant honni avec Schleus, Fridolins, Fritz, Doryphores etc...). Peu à peu, la parole est donné aux pelotons d’exécution. On fusille pour l’exemple, encore plus que pour faits de résistance un peu partout en France.

Comment s’y prendre sans se faire prendre ? Une minorité résistait et la masse a attendu des jours meilleurs. Comme toujours, comme partout. Les gens de ce pays avait déjà donné en 14-18 pour un bilan qu’ils avaient trouvé globalement discutable, c’est le moins qu’on puisse en dire. Le coup de la der des ders, une fois ça va, après...

 

"Radio Paris ment, Radio Paris ment / Radio Paris est All’mand" chantait à la BBC, sur l’air de La Cucaracha, Pierre Dac qui avait pu rallier la France libre. C’est pourquoi, dans pratiquement tous les foyers de France, le soir venu, nous avions l’oreille collée au poste pour nous désintoxiquer de ces radios menteuses : "Toum toum toum tunnnnnm ! Ici Londres ! Les Français parlent aux Français !"

Dans l’attente de bonnes nouvelles, petites ou grandes, une faible lueur d’espoir renaissait quand on tournait le bouton jusqu’à la bonne longueur d’onde, qu’on connaissait par coeur, en prenant bien soin d’étouffer le son et de remettre, après écoute, l’aiguille sur une autre station, car on savait qu’il y avait des sanctions si on enfreignait l’ordre d’interdiction. On écoutait aussi et surtout ces radios pour la musique. Pour le swing !

 

Je suis swing chanté par Johnny Hess et son "da dou da da da dada-dza dza etc...

Cela aussi les jeunes aimaient bien, comme pour la Tour Eiffel de Trenet qui partait en balade et le facteur qui s’envolait ; ça nous plaisait d’autant plus que les anciens étaient consternés. Déjà !

A côté de Trenet, Swing Troubadour, il y a Django reinhardt, Jean Sablon ; toutes les chansons d’Irène de Trébert, la femme de Raymond Legrand (le père de Michel), qui fera un film Mademoiselle swing. On voit même des types comme Andrex y aller de leur swinguette avec Bébert :

 

On ne danse plus la java

Chez Bébert le monte-en-l’air

On est swing de haut jusqu’en bas

Chez Bébert dit "les pieds-plats"...

 

Dans le succès, il récidivera avec il y a des zazous dans mon quartier.

 

Le swing n’a tout de même pas tout envahi et n’a pas empêché Tino de rester Tino avec son Chant du gardian, ni Piaf de chanter L'accordéoniste ; ni le public de continuer à écouter ses chanteurs préférés.

 

En juin 41, l’armée allemande se jette sur l’URSS. L’attaque de Hitler prend Staline au dépourvu et c’est encore la Blitzkrieg, la guerre éclair. Les Allemands franchissent le Dniepr, encerclent Léningrad, foncent jusqu’aux portes de Moscou. Pire qu’une Bérézina, c’est nous en juin 40 ! Aux actualités de cinéma, on voit des files de prisonniers russes à perte de vue. Nous, avec nos petits drapeaux piqués sur les cartes, on arrive tout juste à suivre cette avance fulgurante. On est tous catastrophés ; rien ne résiste donc à Hitler !

 

J’avais alors douze ans et ce sont des évènements dont je n’ai pas oublié le moindre détail ; je peux dire encore aujourd’hui où se trouvent Jitomir, Krementchoug, Krasnodar ; tout comme je peux montrer en Lybie : Benghazi, Bardia, Sollum, Tobrouk ; et bien sûr, Bir Hakeim, près d’El Alamein où quelques mois plus tard des troupes portant l’uniforme français participeront à une bataille, victorieusement.

 

 Il fallait entendre le général de Gaulle, en parler de Londres, lyrique, ému, plein de tremolos dans la voix. Nous, ici-bas, à Carmaux et ailleurs, nous redressions la tête. Un peu...

 

 Mais le souvenir le plus marquant de ma vie de mineur, c'est l'occupation, à partir de 1940. Les mines aussi étaient occupées, et on était obligé d'aller travailler pour les Allemands. Il ne fallait pas chômer, sinon, le lendemain, ils venaient chez vous pour vous ramasser ! La Kommandantur était sans arrêt sur notre dos. Mais les Allemands ne sont jamais descendus au fond, ils avaient peur, sûrement qu'ils ne seraient jamais remontés !

 

En janvier 41, l'occupant décide de prolonger d'une demi-heure l'horaire de travail. Des mouvements de contestation se sont alors déclenchés suivi d'une grève. Immédiatement, le bassin a été quadrillé par les soldats allemands. Au même moment, la Wehrmacht attaque l'URSS, le pacte Germano-Soviétique est rompu. Jusqu'alors discret les militants communistes ont multiplié les actes de sabotage et c'est au fond que la Résistance s'est organisée. Au fond, le porion se promenait avec son casque d'Anglais pour montrer qu'il n'aimait pas les Allemands ! En ville, j'en avais vu un qui portait une pancarte avec écrit dessus "Ami des juifs".

 

 Pendant la guerre, il n'y avait plus de café. Ce que l'on appelait café c'était du "chirloute", de l'avoine grillé, de l'orge, toutes sortes de cochonneries ! Il n'y avait pas de lait, pas de beurre. On avait droit à 450 grammes de pain, mais sur la fin, c'était du pain de maïs. J'avais tout le temps faim. Comme il n'y avait rien à bouffer, après les grèves, les allemands ont fini par nous donner une saucisse par semaine. C'était distribué à la mine, une saucisse à viande ou une saucisse à pâté. Ma mère la coupait en sept, au moins on avait mangé quelque chose. Je n'ai jamais laissé quelque chose dans mon assiette !

 

 On n'avait pas de chaussures non plus. On avait des espadrilles en corde, elles duraient huit jours. Quand un trouvait un pneu ou un morceau de caoutchouc, c'était toute une histoire, parce que les mineurs se fabriquaient des espadrilles avec ! On écoutait Londres entre voisins, on camouflait les radios, parce que normalement on était obligés d'amener nos postes à la mairie. Il fallait bien capter parce qu'il y avait le bruitage allemand dessus. On ne sortait plus le soir, à cause du couvre-feu. Si on sortait pendant la nuit, on était compté comme terroriste.

 

 A partir de 41, plus rien ne rentrait, il n'y avait plus de monnaie, c'était : "Donne-moi quoique t'as, je te donnerais quoique j'ai." On n'avait que 250 grammes de nourriture pour la journée. Il n'y avait plus rien pour s'habiller. Les jeunes filles n'avaient pas de bas, alors elles se faisaient du jus de chicorée pour se peindre les jambes couleur bas ; parfois même elles faisaient un trait pour imiter la couture ! Et les Allemands pillaient tout, ramassaient tout ce qui avait de la valeur.


 Je faisais parti de la résistance en 44. Tous les jeunes ont combattu dans l'ombre. De Gaulle avait demandé qu'il n'y ait plus d'actes de sabotages, parce que les Allemands faisaient d'autant plus de prisonniers après. Mais on continuait un peu, on dessinait des croix de Lorraine sur les berlines, ou l'étoile rouge des Soviétiques. Ou encore la faucille et le marteau. C'était tout ce qu'on pouvait faire, parce que le sabotage mettait en danger la vie des collègues.


Un jour, un Allemand a été abattu, j'étais le premier sur les lieux, ils disaient : "Ça ne fait rien, ça ne fait rien." Moi j'ai dit : "Ça fait un de moins !"

 

A la libération, on attaquait pour libérer tout ça. On a fait quelques prisonniers. Le 14 juillet, on a décidé de fêter ça en accrochant le drapeau. On s'est tous réunis, tous les résistants. Qu'est-ce qu'il pleuvait ce jour-là ! Le 24 août, il y a eu une alerte, Paris était libéré. Il y en a un qui a chanté La Marseillaise.

 Là, j'ai pleuré."

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 01:56

café"La première fois de Miche Galabru...

 

 "J'allais sur mes seize ans quand je décidai de devenir un homme. En langage d'époque : perdre mon pucelage, sujet de conversation préféré de tous les garnements d'alors qui en racontaient bien sûr plus qu'ils n'en faisaient réellement. Il existait une magnifique maison close, près de la maison. J'y fus, un peu tremblant, un après-midi, muni de cinquante francs qui composaient mon argent de poche du mois. Le décor était fastueux, les pensionnaires présentées dans des écrins, sur une estrade... Celle qui allait frapper les trois coups de mon entrée dans le monde des adultes... Je choisis une Italienne assez forte, moins pour son physique que pour la montre qui pendait entre ses seins et qui me fascinait.

 

 Alimentée par des godelureaux de mon âge, la rumeur publique prétendait que "cela" n'était pas sans danger et pouvait durer des heures. D'où mon angoisse d'être en retard au cours de mathématiques que mon père m'infligeait, chaque jour à dix-huit heures. Dans mon esprit, la montre de la dame me mettrait à l'abri d'une telle mésaventure. J'avais la trouille car un de mes amis m'avait susurré, d'un air entendu, que d'aucuns en sortaient les "jambes écartées" et que l'on pouvait même y laisser sa peau.

 

 Mona (elle s'appelait Mona) me précède dans une vaste chambre aux couleurs tendres, s'allonge sur le grand lit et me sourit gentiment. Comme je situais tout de même correctement les limites géographiques et physiologiques de la chose, je baisse mon pantalon, garde ma chemise et m'avance. Elle interrompt ma progression et m'enjoint d'un ton sans refus possible : 

- Il faut faire votre toilette..."

 

 Pour moi - comme pour tous les enfants de l'époque - la propreté, ce sont les pieds. J'obtempère, j'enlève mes chaussettes. L'oeil de la dame s'allume d'émotion : elle vient de toucher un authentique débutant. Si elle sourit, c'est avec discrétion... Compatissante, elle m'accompagne vers le bidet, masque mon ignorance sous des gestes précis. Après quoi nous nous étendons et elle me mène avec douceur à une jouissance trop rapide.

 

 C'est fini. Cavalier désarçonné, je me retrouve sur le trottoir - si je peux me permettre l'expression -, et j'arrive à la maison très en avance : je ne raterai pas la leçon de mathématiques. Quant à mon entrée dans la peau d'un "homme", on ne peut pas dire que je l'aie vraiment réussie !

 

 Pourtant, il me reste, embusquée dans les plis de ma chemise, l'odeur entêtante et musquée de la première femme qui m'ait accueilli. Chez moi, on change de chemise le mercredi et le dimanche mais nous sommes jeudi. Partagé entre les joies d'une douce nostalgie et la crainte que ma mère ne discerne les effluves du pêché, je vivrai quatre jours délicieux avec ce souvenir odoriférant. Un souvenir qui, je peux bien l'avouer aujourd'hui sans honte revient parfois se rappeler à mes narines.

 

 Mes premiers émois..."

 

 

Collection "Comédie"

Mamie et la grippe A - "Casse-toi pauvre Régis !" - Papi est sur Meetic ! - Mamie est sur Facebook ! - La petite maison close dans la prairie - Papi court le marathon - Mamie, tu l'aimes ou tu la quittes !Papi est sur adopte un mec.com - Mamie, Armand, Gaston et Jeannot ! -  Mamie et le débat sur l'identité nationale

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22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 14:04

Papi"La reconstruction.


 "Mineur, le sort de la France est entre tes mains." Après les joies de la Libération, il faut reconstruire la France. Une reconstruction qui passe avant tout par le charbon, qui représente alors près de 90 % des sources d'énergie consommées. Pour accroître la production, on va flatter la fierté du mineur en général et de Papi en particulier à redresser son pays, pour le rendre corvéable à merci.


 Dans la presse, des messages sont diffusés quotidiennement : "Le charbon, c'est le pain de notre industrie et de nos transports. L'existence même de millions de Français dépend de l'effort que vous ferez." Les ministres communistes du gouvernement De Gaulle sont eux aussi mis à contribution, "Même s'il faut que cent mineurs meurent à la tâche, il faut que la bataille du charbon soit gagnée", lance Auguste Lecoeur. Les effectifs sont doublés et pour surveiller les cadences, le chronométrage et le salaire individuel sont renforcés. On joue sur tous les registres de la motivation ouvrière : fierté nationale, valorisation du travail, et récompenses matérielles offertes aux plus méritants - bicyclettes ou produits alimentaires. Elles ne compenseront jamais la santé laissée par les mineurs dans cette bataille, qui a certes donné lieu à des records de production, mais aussi à de nombreux cas de silicoses...

 

A cette époque, la bataille, pour Papi, c'était principalement l'argent. Il ne pensait pas particulièrement à redresser le pays, c'était surtout l'argent. On sortait des grèves de 48, il fallait de l'argent. C'était un peu la fierté aussi. Thorez avait dit : "Vous avez travaillé à 100 % pour les Allemands, vous travaillerez à 200 % pour la France !"

 

Papi m'a dit qu'"on faisait des concours entre tous les puits. Quand un puit faisait plus que les 100 000 tonnes, on hissait le drapeau mais après on s'est lassé des drapeaux, alors ils ont donné des cochons, puis des vélos. Seulement voilà, tous ceux qui ont fait les 100 000 tonnes sont morts. Après ils nous refaisaient remonter au jour, mais c'était trop tard, on était déjà à moitié cuits ! Pour la bataille du charbon, il y avait un baromètre dans la fosse, il fallait atteindre les 100 000 tonnes. On suivait l'évolution de la production sur ce baromètre. Avec mon équipe, on a fini "meilleurs piqueurs de France", mais qu'est-ce qu'on a morflé !"

 

 Retour aux actualités : Roosevelt succomba à une hémorragie cérébrale, Laval et Brasillach furent fusillés, Mussolini pendu par les pieds sur la Piazza Loretto, à Milan, et Hitler se suicida dans son bunker. Pétain au Portalet. 45 millions de morts en Europe ! Finissons-en avec cette guerre même si une nouvelle guerre Est-Ouest prend le relais. Froide, celle-là...

 

 De nouvelles têtes arrivent. Yves Montand, Jacques Hélian, Georges Guétary et Luis Mariano, sans oublier Georges Ulmer. C’est lui qui fait la musique de Pigalle :

 

Un p’tit jet d’eau

Une station de métro

Entourée de Bistrots...

 

En attendant, on se défoule !

Tout en haut de l’affiche, toujours Edith Piaf qui nous fait voir La vie en rose.

 

 La suite c’est les Compagnons de la Chanson, les Frères Jacques. Puis c’est l’époque du Régiment des mandolines de Jacques hélian, de Maria de Bahia de Ray Ventura et de Clopin clopant de Pierre Dudan. J’ai la tête de plus en plus envahie par la chanson.

 

Puis Chartles Aznavour déboule sur des airs de boogie-woogie qui emballent la jeunesse, Départ express, Oublie Loulou :

 

Oublie oublie Loulou

Mais oublie, mais oublie Loulou

Oublie-laaaa donc...

 

La suite ? Une ballade des pendus à Nuremberg, un petit papa Noël, un docteur Petiot serial killer, toujours 250 grammes de pain quotidien...

 Et "un raton laveur" !

 

 Une Marthe Richard et des maisons doublement closes, un Vincent Auriol président, un "exodus", une guerre d'Indochine, un plan Marshall, un Gandhi assassiné, un couloir de Berlin...

 Et "un raton laveur" !

 

 Et de raton laveur en raton laveur, nous voici arrivés en 1948, l’année de la naissance d'Israël, de Mao triomphant, de Marcel Cerdan champion du monde, de Vittorio de Sica voleur de bicyclettes et de Gino Bartali maillot jaune. Une anné ou ma Mamie n’avait qu’Yves Montand en tête. Ce grand escogriffe en chemise marron qui te prend une chanson et t’en fait une comédie. Quelle façon de mettre ses personnages en scène : on voyait le petit gars de Luna Park prendre vie, comme le snob de Il fait des ; le boxeur de Battlling Joe était si vraie qu’il l’avait laissée K.-o. debout, après un round époustouflant de quatre minutes. Quand au prestidigitateur de Rien dans les mains rien dans les poches, il l’avait sidéré.

 

Souvenez-vous de Trenet imitant mam’zelle Clio somnambule, Salvador faisant le scaphandrier, Ulmer le cow-boy ; les Frères Jacques jouant A la saint-Médard ou les Compagnons Perrine était servante. Comme au temps de la lointaine Commedia dell’arte.

 

Parlons nanas. D’abord on ne disait pas encore comme ça dans le Sud-Ouest ; et si "gonzesse" était le féminin de "gonze", c’était malgré tout juste un peu vulgaire, même à Toulouse.

 

A Paris, en ce temps-là, Saint-Germain des Près s’essouflait quelque peu et allait des roucoulades de Lina Margy aux bonnes grosses bidasseries d’Henri Genès. La majeure partie du public, gardant à l’oreille la voix d’or de Luis Mariano ou celle, veloutée, de Tino.

 

 Mamie était alors fauché comme les blés. Elle prend son mal en patience en lisant la chèvre de Mr Seguin comme tout écolier, cette Mule du pape, passée dans le langage courant comme symbole de la vengeance bien mûrie, mais aussi de la terrifiante histoire d’un Homme à la cervelle d’or, mort de trop aimer...

 

 Au cinéma, Mamie va voir : Le secret de l’émeraude, L’empreinte rouge, Gosse de riche, Grisou ou les hommes sans soleil, sans parler de Té vé Olive, Olive se marie, Olive passager clandestin et Les trois de la Canebière.

 Darry Cool est alors un monument national : l’officier aristocrate de La Grande Illusion, le détective de L’Assassin habite au 21, l’inquiétant médecin du Corbeau ou Monsieur Vincent sont dans toutes les mémoires. Fernandel était alors une institution. Lui qui avait été si complexé par son physique pouvait désormais en plaisanter (souvenons-nous de son émouvante chanson Les gens riaient...). Ainsi s’épanouissait le souvenir du Fernand Contendin à qui sa jeune femme avait dit, au début de leur mariage : "Devenez célèbre, si vous voulez, mais pas trop !" Désormais, dès qu’il apparaissait, la foule s’agglutinait dès qu’il était question de lui. Surtout dans le midi.

 

 La reconstruction est en marche...

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 18:58

Depeche"Yvette et Victor ne se quittent plus.

 

 Il est très beau mon mari, il ressemblait beaucoup à Jean Gabin, parce que mon style d’homme c’est plus Gabin ou Ventura, le style costaud, baroudeur. Mon mari, il avait un chapeau mou et un petit foulard noué à son cou, il m’a plu..


 D’un mot à l’autre ça a été le grand amour. Victor venait à la maison, mes parents croyaient que c’était pour ma soeur qui était plus âgée. Quand ils ont vu que c’était pour moi, ça a changé. Mon père lui avait dit : "Si je vous rencontre ensemble, je ne sais pas ce que je vous ferai à tous les deux." Il m’avait répété ça et je lui avais dis : "S’il ne veut pas qu’on vive ensemble, on se suicidera." On était d’accord pour le faire. Après, ça s’est bien passé... Autrement, ça aurait été Romeo et Juliette, ça n’aurait plus été Victor et Yvette...

J’ai été enceinte tout de suite, on n’a pas cherché à faire un bébé, on a cherché à faire l’amour...

Depuis, ça n’a pas beaucoup changé. Quand il a été malade, j’aurais donné ma vie pour lui. J’ai offert ma vie. J’ai dit à Dieu : "Je vous offre dix ans de ma vie pour qu’il soit guéri..."

Yvette : Je te plaisais avant ?

Victor : Oui.

Yvette : Dis-le avec tes yeux à toi. Tes yeux, je sais bien qu’ils parlent plus souvent qu’à leur tour... Tu ne veux pas me décrire ?

Victor : Si, si, tu étais très bien, pourquoi ? Tu avais des drôles de souliers hein...

Yvette : Les chaussures ! Je mettais ce qu’on trouvait. C’était la guerre, je me suis rattrapée depuis...

Yvette : Ah le premier baiser quand mon père nous a envoyé chercher du charbon...

Victor : On comptait les sacs...

Yvette : Un peu timide au départ, après tu as été plus hardi. Cela a été un baiser d’amour, quoi ? Cela arrive encore qu’on fasse l’amour ensemble.

 C’était une fois, j’avais un très beau pyjama à la russe, il ne voulait pas que je mette de pyjama, je boudais. Il me dit : "Tu ne mettras pas de pyjama !" Je dis : "Si !" Ah ! Il m’a attrapée, il a déchiré le pyjama et alors j’ai été violé (rire) avec consentement...

  Mais oui j’aime mon mari et puis bon il n’y a que lui qui compte... On pourrait déposer la lune à mes pieds, je ne crois pas que je changerais... Non, il n’y a qu’une chose, c’est mon mari et puis c’est tout... Et même, à un moment, je me suis reprochée d’avoir été plus épouse que mère... Les enfants que je voulais, c’est bizarre, c’est l’amour de mon mari. Je croyais que quand j’étais enceinte, j’avais quelque chose de mon mari, là, que je possédais et c’était ça que je voulais moi. J’étais heureuse d’avoir quelque chose de lui, c’était lui...

 On aimerait mourir ensemble. C’est que je ne supporte pas d’être séparé de lui... On n’a pas peur quand on prend l’avion, on est à deux si l’avion s’écrase, on est tous les deux. Quelle importance ! Quand il fait ses yeux amoureux... moi je tricote, je lève les yeux sur lui, il est toujours à me fixer... Toujours, toujours, si je fais quelque chose, il me regarde toujours, il me couvre des yeux. Si je vais dans la salle de bains, il est dans la salle de bain...

Je l’aime toujours aussi fort.

Victor : Je t’adore.

 

 Rideau.

 

Collection "Les amis de Mamie"

La femme d'à côté

Yvette et Victor ne se quittent plus !

Mamie à la Saint-Valentin

Itinéraire d'une Mamie gâtée

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 16:29

Depeche"Fanny la jolie,

 

 Un jour, en pleine nuit, ma Mamie m’a dit : "Je te présente Fanny, ma meilleure amie, elle va te raconter sa vie, une vie ... trépidante !" Magnéto Fanny :


"Ah mon premier mari ! On s’est mariés par une marieuse.

Un jour, un dimanche papa me dit : "On a invité une dame avec un jeune homme, ça pourrait être un mari pour toi, on ne sait jamais" Moi je dis : "Oh oui"...

On a bavardé mais moi je ne savais pas... J’avais déjà 23 ans mais je n’avais pas l’esprit d’une femme, j’étais une vraie gamine. Le jeune homme est parti puis il a du dire à la bonne femme : "Ah, elle me plaît cette jeune fille..."

Un jour il m’a invité chez lui avec mon père qui m’a dit : "Est-ce que tu veux te marier ?" C’était un beau garçon. J’ai dit : "Et bien, pourquoi pas ?

Et puis voilà, c’était fait. La femme apportait sa dot et l’appartement et l’homme apportait sa situation. Et puis, un jour il n’a plus eu beaucoup de travail. On ne pouvait plus garder l’appartement et j’ai dit : "Je préfère retourner vivre chez mes parents, je viendrai te voir tous les dimanches !"

Le dimanche j’allais le voir, on faisait l’amour et le soir je retournais chez mes parents.

Je disais : "Quand tu auras trouvé un appartement qui me plaît, je reviendrai avec toi." Il acceptait, il était gentil. C’est moi qui n’était pas gentille, je m’en rends compte maintenant j’étais une vraie gamine... Cela a duré quelques temps puis un jour il m’a dit : "Tu es ma femme, je ne vais quand pas faire de toi ma maîtresse quand même ! Il ne faut plus qu’on se voie !" J’ai répondu : "Ah, oui. Bon, on ne se verra plus". Je n’ai pas réagi...


 On a demandé le divorce... On était avec l’avocat dans un café, il fallait qu’on fasse des lettres d’insultes, mais moi je n’avais rien à dire, il était gentil. Alors il me regarde et me demande : "Tu mets quoi dans ta lettre ?" "Je ne sais pas et toi tu mets quoi ?" Finalement on a quand même réussi à se faire des lettres... On était resté deux ans ensemble.

 

 Lorsque je suis venue à Lyon, j’étais une femme divorcée. J’ai rencontré un homme qui m’amusait, je ne pensais à rien, je me laissais vivre, il s’occupait de moi : c’est lui qui payait tout.

 

J’étais jeune, une vraie gamine, on me traitait plus en gamine qu’en femme, une vraie gosse...

Je l’ai rencontré sur une terrasse, il m’a raccompagnée jusqu’à la porte de ma pension et il m’a dit : "J’espère qu’on se reverra" et puis je suis rentré chez moi... Arrive la fin du mois, je parles à ma logeuse : "Il faut me dire ce que je vous dois parce que je veux vous payer, je suis bien ici." "C’est payé" qu’elle me fait. "Un monsieur a téléphoné pour dire qu’il réglerait ce que vous me devez et de ne plus rien vous demander." Un monsieur ? Je ne connais personne !" Je ne me rappelais plus du bonhomme. Elle m’a dit : "Il a l’air très bien, très correct ce monsieur. Il m’a dit de bien vous soigner et de m’occuper de vous. Alors faites attention, il ne faut pas sortir le soir."

Le mois suivant, je crois, il m’a téléphoné : "J’aimerais vous voir. Je viendrais vous chercher. Je vous invite à déjeuner." J’ai dit à ma logeuse : "Vous savez ce monsieur il m’a téléphoné pour m’inviter à déjeuner. Il m’a dit qu’il vous connaît."

Elle m’a répondu : "Il ne me connaît pas, mais il téléphone souvent pour savoir si vous avez ce qu’il faut, que vous ne manquiez de rien." Finalement, on est sortis plusieurs fois et puis après, évidemment, est arrivé ce qui était logique, c’est vrai !

 

Il était très poli, très courtois, très élégant. Il avait beaucoup de distinction. Ce n’était pas n’importe qui. J’ai été gâtée... Il m’avait offert un très beau bracelet de chez cartier.

 

J’ai perdu mon ami, je me suis retrouvé seule et puis j’ai eu le père de mon fils que j’ai connu pendant la guerre chez des amis. Il était coiffeur. Il était flambeur. Il jouait... Il avait perdu beaucoup d’argent. Je n’avais pas de nouvelles de lui, j’étais enceinte et il avait vendu mon bracelet de chez Cartier à un Anglais...

Et puis j’ai connu Monsieur Florent. Un dimanche, il y avait une fête, j’emmène avec moi mon bébé. On vendait des ballons avec une étiquette. Il fallait mettre son nom dessus et envoyer le ballon. Celui qui le recevait devait nous écrire. Un monsieur était assis à côté de moi... Il avait sympathisé avec mon gosse et puis ça s’est passé comme ça.

 

 Il était coiffeur et oui, un deuxième coiffeur. Tous les dimanches, il venait place Bellecour. Puis est arrivé ce qui devait arrivé, il m’a demandé si je voulais me marier avec lui et le gamin s’était attaché à lui... Voilà, on s’est mariés, on est restés neuf ans tous les deux, il est mort...

 

 Avec Marcel, on s’est rencontrés dans un club, Les femmes de notre temps... Ca a duré deux ans comme ça. Il était très aimable, très galant. Un jour, il m’a dit : "Vous ne voudriez pas partir en vacances avec moi ?" Je savais ce qui m’attendait, je ne suis pas tombé de la lune...

Evidemment, quand j’ai accepté de partir en vacances avec lui, j’avais réfléchi à ça et est arrivé ce qui devait arriver. 

Il est venu me chercher, je ressentais quelque chose, c’était logique.

Quand ça a commencé, on a décidé de se marier et puis j’ai dit : "A nos âges se marier c’est idiot..."

 

L’histoire de la cassette... j’avais environ 72 ans, j’étais jeune, je n’étais pas vieille encore. Au début, on se fréquentait mais il n’y avait rien on n’avait pas encore été en vacances ensemble quand il a fait la chanson... Il ne me disait rien puis tout à coup il m’a dit "Je vais te la chanter" J’ai tellement ri, il m’a fait tellement rire ! J’étais jeune, je riais tout ce que je savais ! Vous savez quand on est jeune on rit... Il me faisait des poèmes gentils... C’était un garçon intelligent... Quand il est mort, il avait 91 ans. Moi j’avais cinq ans de moins. On a vécu quand même, on a vécu...

Dans ma vie les choses venaient sans m’y attendre, j’étais pas une cavaleuse, j’ai eu deux maris, deux amis et Marcel...


 J’étais un enfant gâtée. Je crois que je le suis encore...


 

Collection "Les amis de Mamie"

La femme d'à côté

Yvette et Victor ne se quittent plus !

Mamie à la Saint-Valentin

Itinéraire d'une Mamie gâtée

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Published by Régis IGLESIAS - dans Les souvenirs de ...

Livre d'or

Première affiche

 

  "MA MAMIE M'A DIT"  

Spectacle nostalgique 

 

"On nous avait promis la magie, promesse tenue : un spectacle plein de féérie de souvenirs où chacun se retrouvait. Une belle énergie. Les résidents ont adoré. Merci." Marie ("La Clairière de Luci" - Bordeaux)
 
"Formidable ! Nous sommes tous remontés dans le temps, nous avons vingt ans, on a ri, on a presque pleuré et surtout on a chanté. Merci." Cathy (Arles)
 
"Un véritable petit chef d'oeuvre" ; "La légion d'honneur pour la créativité" "Un véritable artiste" ; "Après-midi formidable" ; "Absolument parfait" ; "Une rétrospective originale" ; "Un très bon moment d'évasion". Propos recueillis à la résidence Emera d'Angoulême  
 
"Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux... C'était magnifique. Nous avons revu toute notre jeunesse et notre enfance. Et c'est beau de redevenir jeune dans l'ambiance d'autrefois." Aimée et Janine
 
"Les chansons, les réclames et les anecdotes ont transporté les résidents dans leur enfance. Une après-midi de nostalgie mais aussi de chansons et de rires. Merci encore pour ce magnifique spectacle." Sandrine
 
"Spectacle complet, tellement agréable et thérapeutique pour nos personnes âgées, encore félicitations !" Docteur Souque
 
"Un choix extraordinaire de chansons, des moments magiques, des photos magnifiques, vous nous avez mis de la joie dans le coeur. Et retrouver sa jeunesse avec tous ces souvenirs, ça fait plaisir et j'espère que vous reviendrez nous voir." Mme Lorenzi (Juan-Les-Pins)
 
"Pour ma fête, par un pur hasard je me suis retrouvé dans un club de personnes âgées où j'ai pu assister à votre spectacle sur le passé. Cela m'a rappelé mes grands-parents et mes parents et c'était vraiment un moment magique." Josette, La Roque d'Antheron
 
"Bravo bravo bravo Regis, c'est le meilleur spectacle que j'ai vu depuis que je fais le métier d'animatrice." Bénédicte La Salette-Montval (Marseille)
 
"Je n'imaginais pas lorsque je vous ai accordé un rendez-vous que vous enchanteriez pendant 1 h 1/4 les personnes âgées d'une telle façon. Merci pour votre prestation qui a fait revivre les moments publicitaires, évènementiels et musicaux de leurs vies." Michelle, CCAS de Toulouse
 
"Un super voyage dans le temps pour le plus grand plaisir des résidents. Merci à Régis pour cette magie et à bientôt." Brigitte (Lunel)
 
"Enfin un retour à notre "époque". Quel bonheur, que de souvenirs, quelle belle époque ou l'amitié était de mise. Merci pour cette très belle après-midi, on s'est régalé avec ce très très beau spectacle". Danielle (Mirandol)
 
"Super - divinement bien -  tout le monde était enchanté même que M. Benaben a dit : "Vous nous avez donné l'envie de revivre notre vie"." Sylvie (Sainte Barthe)
 
"Un grand merci pour ce bon moment et je crois, je suis sûre, qu'il a été partagé par mon mari." Mme Delbreil
 
"Une féérie de l'instant." Christian
 
"Beaucoup d'émotion dans ce spectacle plein de chaleur et d'humanité." Sylvie
 
"Une soirée inoubliable. Continuez à nous émerveiller et faites un long chemin." Claude
 
"Le meilleur spectacle que j'ai jamais vu. De loin." Tonton Kiko
 
"C'est bien simple, je n'ai plus de Rimmel !" Claudine (seconde femme de Tonton Kiko)
 
"A ma grande surprise, j'ai versé ma larme. Tu as atteint mon coeur. Bravo pour ces sentiments, ces émotions fortes, j'ai eu des frissons par moment." Ta couse Céline
 
"Redge, encore un bon moment passé en ta présence. On était venu plus pour toi que pour le spectacle, mais quelle agréable surprise ! On est fier de toi, continues d'oser, de vivre !" Pascale
 
"J'avais froid, un peu hagard, l'humeur moribonde et puis voilà, il y a toi avec toute ta générosité, l'intérêt, l'affection que tu as toujours su apporter aux autres, à moi aussi et Dieu sait si tu m'as rendu la vie belle depuis qu'on se connaît comme tu as su le faire une fois de plus." Jérôme
 
"Ce spectacle est nul à chier et je pèse mes mots." Gérard
 
memoria.viva@live.fr

Ma Mamie m'a dit...

Madka Regis 3-copie-1

 

COLLECTION "COMEDIE"

Mamie est sur Tweeter

Mamie n'a jamais été Zlatanée !

Mamie doit travailler plus pour gagner plus

Mamie, tu l'aimes ou tu la quittes

"Casse-toi pauvre Régis !"

Papi a été pris pour un Rom

Mamie est sur Facebook

Papi est sur Meetic

Il y a quelqu'un dans le ventre de Mamie

Mamie n'a pas la grippe A

La petite maison close dans la prairie

 

COLLECTION "THRILLER"

Landru a invité Mamie à la campagne...

Sacco et Vanzetti

Mamie a rendez-vous chez le docteur Petiot

La Gestapo française

Hiroshima

 

COLLECTION "SAGA"

Les Windsor

Mamie et les cigares du pharaon

Champollion, l'homme qui fit parler l'Egypte

Mamie à Tombouctou

 

COLLECTION "LES CHOSES DE MAMIE"

Mamie boit dans un verre Duralex

Le cadeau Bonux

Le bol de chocolat chaud

Super Cocotte

Mamie ne mange que des cachous Lajaunie

 

COLLECTION "COUP DE COEUR"

Mamie la gauloise

Mamie roule en DS

Mamie ne rate jamais un apéro

Mamie et le trésor de Rackham le Rouge

 

COLLECTION "DECOUVERTE"

Mamie va au bal

La fête de la Rosière

Mamie au music-hall

Mamie au Salon de l'auto

 

COLLECTION "SUR LA ROUTE DE MAMIE"

Quand Papi rencontre Mamie

Un Papi et une Mamie

Mamie fait de la résistance

Mamie au cimetière

24 heures dans la vie de Mamie

 

COLLECTION "MAMIE EXPLORE LE TEMPS"

Jaurès

Mamie embarque sur le Potemkine

Mamie et les poilus

Auschwitz

 

COLLECTION "FRISSONS"

Le regard de Guynemer

Mr et Mme Blériot

Lindbergh décroche la timbale

Nobile prend des risques

 

COLLECTION "MAMIE EN BALLADE"

Mamie chez les Bretons

Mamie voulait revoir sa Normandie !

La fouace Normande

La campagne, ça vous gagne...

Mamie à la salle des fêtes

Launaguet

La semaine bleue

Le monastère

 

COLLECTION "MAMIE AU TEMPS DES COURTISANES"

Lola Montès

Les lorettes

Mme M.

Napoléon III

Plonplon

La marquise de Païva

Mme de Pompadour

Générique de fin