"A m'en déchirer le coeur.
Les temps sont vraiment durs. Je n'ai plus aucune rentrée d'argent. Je suis au bord du précipice, au bout du rouleau, beaucoup trop près du gouffre. Mon instinct de survie est le plus fort, j'oublie le visage du violeur et le pire m'attend encore au bout de la route.
En 1984, le ciel me tombe sur la tête, c'est le drame. Pour moi, il y aura toujours un avant et un après. J'atteins le point de non-retour quand un huissier débarque à la maison. Là, je refuse d'ouvrir.
Pas question de me faire jeter dehors.
Je me précipite sur le téléphone pour appeler les journaux à scandale de l'époque, afin de leur expliquer ce qui m'arrive. Un membre de la rédaction d'Ici-Paris me conseille d'appeler tout de suite les radios. Je me retrouve à l'antenne en train de raconter mes malheurs, tandis que l'huissier tempête derrière la porte, me sommant de lui ouvrir.
Les auditeurs vivent en direct l'expulsion de Georgette Lemaire !
Résultat des courses, je pars vivre chez un admirateur pendant trois mois. On me propose alors une croisière sur un paquebot en compagnie d'autres artistes. Impossible de refuser, j'ai le couteau sous la gorge. Mais sur le bateau, je vais vivre l'enfer. j'ai le mal de mer à en crever.
Au retour, je suis perdue et je ne sais même plus quoi faire de moi et je n'ai plus de toit.
Et c'est Mitterrand qui va me sauver. Incroyable mais vrai !
Je respire. Que me réservera alors la vie ? A la grande lotterie de la chance, vais-je enfin tirer le bon numéro ? peut-être pas le jackpot, mais au moins la sérénité de l'âme et le repos de la guerrière.
Hélas, la trève sera de courte durée.
Juillet 89. Je suis encore à la rue et je n'ai nulle aprt où aller.
Mais un homme veille dans l'ombre. un homme d'une rare gentillesse et d'une incroyable humanité. Un homme qui sait tenir ses promesses. Un homme qui n'a pas oublié celle qu'il m'a faite. Cette homme, c'est François Mitterand, qui m'a tendu une main amie sans rien exigé en retour. Il me trouve un apprtement et un emploi au CES qui me permet de toucher 4000 francs par moi.
Je n'ai pas honte de dire que François Mitterrand m'a littéralement sauvé la vie.
La suite ? Mon père tombe gravement malade. Je suis désespérée ! Dans sa chambre d'hospital, le personnel a déjà placé tous ses effets dans un sac poubelle. par ici la sortie bon voyage et place aux vivants !
Foutu pour foutu, j'ai appelé Mitterrand...
Et là, grâce à notre président, mon père sera transféré quelques jours plus tard dans un service supérieur, à l'étage des soins palliatifs. Merci François.
La fin ? Les années ont passé, j'ai refait ma vie, je l'ai continué plus exactement, tant bien que mal.
Tout au fond de moi, je gardais l'espoir secret qu'un jour où l'autre, nos routes se recroiseraient avec Daniel. Le destin qui nous avait si malmenés finirait par nous réunir. Des retrouvailles non plus sur le mode de la passion, mais de la tendresse.
Celle de jeunes amants devenus de vieux amis. Je l'espérais et surtout je m'en persuadais. J'avais confiance. Mon optimisme débordant me le soufflait : Daniel et moi, c'était pour la vie.
Mais Daniel est parti sans crier gare. Sans un au revoir, pas même un adieu. Au moment où il est mort, sans le savoir, j'ai fait des rêves étranges. Nous étions à nouveau jeunes et on tombait dans les bras l'un de l'autre.
Ces rêves m'apparaissaient comme d'heureux présages. Quelle idiote j'étais, c'était sa façon à lui de me dire adieu.
J'ai appris sa mort alors qu'il était enterré depuis trois mois déjà. Je ne trouve pas les mots pour vous décrire ce que j'ia ressenti quand j'ai appris la nouvelle : hébétude, déni, horreur, abattement et l'impression atroce qu'on venait de m'amputer d'un membre.
Heureusement, le temps n'est plus à la rancoeur. A la place, il me reste l'amour et la tendresse. Daniel, je t'aime. Je t'aimais encore et je t'aimerai toujours.
Pour les amateurs :
Les souvenirs de Georgette Lemaire