"La première fois de Miche Galabru...
"J'allais sur mes seize ans quand je décidai de devenir un homme. En langage d'époque : perdre mon pucelage, sujet de conversation préféré de tous les garnements d'alors qui en racontaient bien sûr plus qu'ils n'en faisaient réellement. Il existait une magnifique maison close, près de la maison. J'y fus, un peu tremblant, un après-midi, muni de cinquante francs qui composaient mon argent de poche du mois. Le décor était fastueux, les pensionnaires présentées dans des écrins, sur une estrade... Celle qui allait frapper les trois coups de mon entrée dans le monde des adultes... Je choisis une Italienne assez forte, moins pour son physique que pour la montre qui pendait entre ses seins et qui me fascinait.
Alimentée par des godelureaux de mon âge, la rumeur publique prétendait que "cela" n'était pas sans danger et pouvait durer des heures. D'où mon angoisse d'être en retard au cours de mathématiques que mon père m'infligeait, chaque jour à dix-huit heures. Dans mon esprit, la montre de la dame me mettrait à l'abri d'une telle mésaventure. J'avais la trouille car un de mes amis m'avait susurré, d'un air entendu, que d'aucuns en sortaient les "jambes écartées" et que l'on pouvait même y laisser sa peau.
Mona (elle s'appelait Mona) me précède dans une vaste chambre aux couleurs tendres, s'allonge sur le grand lit et me sourit gentiment. Comme je situais tout de même correctement les limites géographiques et physiologiques de la chose, je baisse mon pantalon, garde ma chemise et m'avance. Elle interrompt ma progression et m'enjoint d'un ton sans refus possible :
- Il faut faire votre toilette..."
Pour moi - comme pour tous les enfants de l'époque - la propreté, ce sont les pieds. J'obtempère, j'enlève mes chaussettes. L'oeil de la dame s'allume d'émotion : elle vient de toucher un authentique débutant. Si elle sourit, c'est avec discrétion... Compatissante, elle m'accompagne vers le bidet, masque mon ignorance sous des gestes précis. Après quoi nous nous étendons et elle me mène avec douceur à une jouissance trop rapide.
C'est fini. Cavalier désarçonné, je me retrouve sur le trottoir - si je peux me permettre l'expression -, et j'arrive à la maison très en avance : je ne raterai pas la leçon de mathématiques. Quant à mon entrée dans la peau d'un "homme", on ne peut pas dire que je l'aie vraiment réussie !
Pourtant, il me reste, embusquée dans les plis de ma chemise, l'odeur entêtante et musquée de la première femme qui m'ait accueilli. Chez moi, on change de chemise le mercredi et le dimanche mais nous sommes jeudi. Partagé entre les joies d'une douce nostalgie et la crainte que ma mère ne discerne les effluves du pêché, je vivrai quatre jours délicieux avec ce souvenir odoriférant. Un souvenir qui, je peux bien l'avouer aujourd'hui sans honte revient parfois se rappeler à mes narines.
Mes premiers émois..."
Collection "Comédie"
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