"Des objets racontent... De François Bertin et Claude Weill.
Nous avons tous dans notre mémoire un tiroir bien à part où sont rangés tous nos souvenirs de vacances. Ces bouffées de notre enfance et de notre adolescence n'ont pas la même valeur ni la même consistance que celles de nos souvenirs du quotidien.
Souvenez-vous de la chanson de Michel Jonasz où chaque parole respire l'émotion, la tendresse et la force évocatrice de ces moments si particuliers.
"On allait au bord de la mer ; Avec mon père, ma soeur, ma mère
Et quand les vagues étaient tranquilles ; On passait la journée aux îles
Sauf quand on pouvait déjà plus.
Alors on regardait les bateaux ; On suçait des glaces à l'eau
On avait l'coeur un peu gros ; Mais c'était quand même beau."
Ah ces vacances populaires qui arrêtaient le pays tout entier pendant les deux mois d'été.
Il y avait "l'avant-vacances" et "l'après-vacances", les "juilletistes" précédaient la "aoûtiens", beaucoup plus nombreux.
On réservait la même place au camping chaque année. Nous étions tous réunis dans cette grand'messe qui sacrifiait au rite du soleil, du bronzage, du farniente et de l'apéro...
Puissent tous ceux qui ont vécu ces moments retrouver leurs propres souvenirs avec leurs émotions et leurs joies...
Pour les autres, découvrez les joies simples et populaires attachées au plaisir d'être ensemble.
Le phénomène des vacances prend naissance avec le Front Populaire de 1936. Et le mot populaire n'est pas vain puisqu'il va permettre à de milliers de personnes et de familles de découvrir les vacances.
La loi instaurant les "congés payés en juin 1936 va donc être vécu par tous comme une véritable révolution sociale et comme un bouleversement des moeurs.
Les baigneuses étaient alors vêtues comme en hiver et n'entraient dans l'eau que descendues d'une carriole à cheval qui pénétrait carrément dans la mer afin de préserver l'intimidé et la "quasi-nudité" de la naïade. Il est vrai que découvrir alors son genou et son mollet était à la fois d'un érotisme torride et d'une audace folle.
Les messieurs moustachus ne sont pas en reste avec leurs maillots de montreurs de foire, cigare à la bouche et canotier sur la tête.
Tout était calme avant sur les plages. l'arrivée soudaine et bruyante des "cong'pay", comme on les appelait alors briser la belle harmonie de ceux pour qui les vacances sont un luxe qu'ils peuvent s'offrir.
Pour les autres dont c'est les premières vacances ? C'est une formidable épopée.
A pied, en voiture, en tandem, ils parcourent l'Hexagone, inventent de nouvelles formes d'hébergement, s'approprient les bains de mer, les plages, le camping.
Ah les châteaux de sable des enfants, les parties de boules, le pastis du midi avec les copains, les match de jokari, les filles en maillot, la Nationale 7, les verres en terrasse...
... Papa fait réviser la voiture chez le garagiste...
Vidange, pneus, freins, éclairage... Rien n'a été laissé au hasard.
... La cagnotte est pleine...
Toute l'année, Papa y a glissé régulièrement quelques billets qu'il prenait dans l'enveloppe qui contenait sa paye. "C'est le plus sûr moyen de ne pas partir en vacances, la bourse plate", disait-il, en refermant la boîte et en la replaçant sous la pile de draps dans l'armoire.
... On charge la voiture...
La grosse malle pour les affaires de couchage, les valises pour les affaires personnelles, les épuisettes, le ballon... C'est à la fois le symbole des vacances et une source de disputes parentales. comme tous les ans, on emmène beaucoup de choses qu'il faut repartir dans la bagnole.
Le tout a été arrimé solidement avec des cordes et quelques "sandows" sous lesquels on glissera les trucs encombrants comme la vanne à pêche, le balai de la cuisine que maman s'obstine à vouloir emmener : "On voit bien que c'est pas vous qui balayez tous les jours !"
Le trottoir se vide peu à peu. la voiture se remplit. on est sur la bonne voie. "On n'a jamais été aussi près du départ", dit papa en essayant de refermer la malle arrière.
... On prend la route...
C'est le grand moment. On fait tous silence dans la voiture avec les yeux embués de sommeil et l'estomac qui a du mal a accepter le Banania du "p'tit dej" pris vraiment trop tôt. "C'est parti, les enfants !" lance papa par dessus la banquette avant.
En route vers le camping où les prix sont "modérés".
Douze heures de route sous un soleil de plomb.
On rentre dans le camping, partout des mains se lèvent, des saluts et des cris accompagnent notre traversée triomphale. Quand on retrouve notre emplacement, des dizaines de têtes connues arrivent arrivent de tous côtés et se pressent autour de nous.
" Vous avez fait bien voyage ? Pas trop long ? Vous arrivez bien on vient de servir l'apéro..."
On passe de bras en bras "Comme tu as grandi dis-donc, tu es costaud maintenant, un vrai petit homme..."
A la plage, on revient toujours au mêle endroit et on retrouve toujours les mêmes têtes. Là, on peut nager, bronzer, faire des châteaux, mettre les canots à l'eau...
A l'eau, il y a <louise, elle a sacrément changé. Elle est beaucoup plus grande que l'année dernière, elle a perdu ses couettes et porte un kikini rouge à pois blanc comme dans la chanson de Dario Moréno.
"Son petit itsi bistsi tini ouini, tout petit, petit, bikini
Qu'elle mettait pour la première fois
Un itsi bitsi tini ouini, tout petit, petit, bikini
Un bikini rouge et jaune à p'tit pois..."
Il y a le parasol, la cafetière, la glacière. Il y a aussi le transistor...
Avant de plonger, il faut attendre la digestion, alors on attend sur la plage avec notre bob sur la tête.
Je me souviens que j'avais une bouée avec un ourson avec des billes qui bougent.
Je me souviens du tube de l'été qu'on écoutait sur le Teppaz. Il y a de tout : les compagnons de la chanson, Aznavour, Annie Cordy, Henri Salvador, Georges Jouvin... ça c'est plutôt pour les parents et puis des noms plus pour nous qu'on commence à connaître : Richard Anthony, Sheila, Eddy Mitchell et ses chaussettes noires et bien sûr Johnny.
Chacun à sa bouée. Les "ceux qui viennent d'arriver" se baignent avec leur bouée Fina ou Azur alors que "ceux qui sont là toute l'année" exhibent leurs chambres à air de voiture bien noires et parsemées de rustines et de pastilles de réparation de couleurs diverses.
... On va voir passer le tour de France avec sa caravane publicitaire...
Il y a des tas de voitures et de camionnettes en forme de pichet Ricard, de bombe tue-mouche Fly-tox ou de gâteau sec Gondolo...
...La tradition...
Comme chante la réclame qu'on entend sur Radio-Luxembourg : "Midi, sept heures, l'heure du Berger..."
Ce berger qui réunit tous les amis de papa et Maman... Les messieurs boivent tous du pastis en mettant plus ou moins d'eau et ils disent plein de bêtises qui les font beaucoup rire. Les mamans sirotent des petits verres de Byrrh ou de Dubonnet.