"Les enfants.
A la libération, le général de Gaulle réclame "12 millions de beaux bébés". Mamie qui a toujours été très patriotique a décidé d'apporter sa contribution à l'élan national. Mamie raconte :
"En 1946, la paix était revenue, mais les restrictions continuaient. Vers mon sixième mois de grossesse, un matin, je suis partie gaiement à la mairie chercher les tickets de supplément de beurre et de lait auxquels ma "situation intéressante" me donnait droit. Au huitième mois, j'allais réclamer mes tickets de laine de layette. La bénévole m'allongea quelques précieux J.K.2... qui allaient me permettre d'exercer mes talents de tricoteuse de brassières. Avec ça, j'ai pu avoir des écheveaux de laine... kaki !
La laine kaki s'était beaucoup vendue pendant la guerre pour la confection des passe-montagne, de nos-chers-prisonniers, mais il faut croire que la guerre n'avait pas duré assez longtemps pour épuiser les stocks. J'ai refusé et j'ai rendu mes tickets en disant : "Je ne sais pas si j'aurai un garçon ou une fille. Je veux de la laine bleue, rose ou blanche, en tout cas je ne veux pas l'habiller déjà en soldat." Et sur cette belle réplique, je quittai la mairie".
Le second est arrivé en 1949. On dévalisait les marchands de chocolat, de montres, d'imperméables et de vêtements d'enfants. C'est drôle, j'avais oublié, mais en 1949, on était encore épatés par les oranges et les vêtements sans tickets".
Et puis il ne faut pas oublier que pour les enfants, il faisait bon vivre. La vie sociale était riche et animée. Les enfants jouaient dans la rue, vu qu'il n'y avait pas de PlayStation à l'époque. Les parents organisaient des concours de javelot, de quilles, d'arbalète et se passionnaient pour la boxe, le cyclisme, le football et les pigeons voyageurs. Même si au quotidien, la sociabilité s'articulait autour des bistrots.
La paix est revenue, le pays se reconstruit, l'industrie connaît le plein-emploi et les Français ont pris pied dans une ère de consommation nouvelle et positive, synonyme de vie meilleure. Ils envisagent l'avenir avec optimisme... et font des enfants, encouragés par la politique familiale du gouvernement : l'attribution d'allocations familiales soutient les foyers à partir du deuxième enfant.
Les femmes présentent fièrement leur enfant au photographe. la contraception et l’avortement étant rigoureusement interdits, de nombreuses femmes se trouvent désemparées en cas de grossesse. C’est pour prévenir les drames de l’avortement illégal que se crée, en 1956, l’association La Maternité heureuse qui promeut le contrôle des naissances et réclame le droit à la contraception. En 1960, celle-ci devient le Mouvement français pour le planning familial.
A la crèche, les mamans sont invitées à fêter Noël avec leurs enfants. Un goûter est préparé pour l’occasion : oranges, madeleines faites maison et chocolat chaud.
Au début des années 50, la vie reste tournée autour de la famille. Il n'est pas surprenant de trouver trois générations dans la cuisine. Les enfants jouent à la marelle, au toboggan ou à la corde, aux osselets ou aux billes en terre. Leurs petites voitures, leurs petits coureurs cyclistes et leurs toupies sont en métal. A la maison, la mallette de bois contient un jeu de nain jaune, un autre de petits chevaux et un jeu de l'oie. Les fillettes ont une belle poupée qui a la taille d'un vrai baigneur. Signe de l'évolution de la société, la poupée Barbie fait ses premiers pas dans le monde des jouets en 1959.
Mais la star des jouets d'enfants est la voiture à pédales. Elle est généralement rouge, de la couleur Ferrari qui fait merveille sur les circuits de course automobile. Construite en tôle, elle est quasiment incassable. Il faut au besoin la repeindre après des années d'utilisation pour lui rendre son éclat et faire le bonheur du petit dernier. Elle est aussi indémodable : les anciennes voitures à pédales sont aujourd'hui très recherchées par les collectionneurs.
Vient ensuite le moment de la communion. Les jeunes filles, habillées comme de futures épouses, la tête couverte d'un voile blanc font leur "communion privée" ou leur "communion solennelle". Au cours de la messe, elles reçoivent l'hostie consacrée, vrai corps du Christ qui a pris l'apparence du pain. dans les années 50, on apprend religieusement aux communiants à ne pas toucher l'hostie consacrée avec leurs dents au risque de faire "saigner" le Christ.
Avant d’être mariée, ma Mamie m'a dit qu'elle avait six théories sur la façon d’élever les enfants ; et que maintenant, elle avait six enfants et aucune théorie.